
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont présenté fin mai une étude étudiant l’usage et les impacts des plastiques dans l’agriculture et l’alimentation. Les sols agricoles semblent particulièrement touchés.
L’étude conduite par 30 experts à partir 4 500 publications scientifiques démontrent que les sols agricoles sont contaminés par des microplastiques à des taux « allant de 100 à 10 000 particules par kilogramme de sol dans le premier mètre de profondeur », souligne-t-elle. Une étude de ce type avait été publiée fin décembre 2024 par l’Agence de transition écologique (ADEME) et cette enquête INRAE-CNRS vient la corroborer. La contamination des sols « est vraisemblablement supérieure à celle des océans », a affirmé Muriel Mercier-Bonin, pilote scientifique de l’INRAE pour cette étude. Encore serait-il nécessaire de relativiser les chiffres de cette vaste enquête, sans pour autant minimiser l’impact des plastiques sur la santé et l’environnement. En effet, 20 % des plastiques consommés en France (sur un total de 6,4 millions de tonnes) viennent des secteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Sur ces 20 %, 91 % servent à l’emballage des aliments et des boissons et seuls 9 % sont utilisés directement en agriculture. Ce qui à l’échelle nationale ramène le taux de plastiques agricoles à 1,8 %. Ce qui représente, bon an mal an, quelques 120 000 tonnes de plastique.
Cheval de Troie
Il ne faut cependant pas nier que les plastiques se sont progressivement rendus indispensables au fil des ans, notamment par leur praticité, leur faible coût, et bien d’autres raisons. « Les secteurs agricoles et alimentaires ont pris des habitudes dont il est difficile de se défaire », a estimé Baptiste Monsaignon, maître de conférences à l’université de Reims. C’est notamment le cas pour les maraîchers, les horticulteurs mais aussi les éleveurs ou encore certains maïsiculteurs. En fait, selon Adivalor (lire encadré), 62 % des plastiques agricoles sont utilisés pour la production animale, notamment sous forme de bâches, films étirables, ficelles et filets, servant au conditionnement et à la protection des fourrages. Les 38 % restants sont destinés à la production végétale, incluant les films de paillage, les tunnels de serre, les filets de protection, etc.
Matériau complexe dont la fabrication est entourée de secret industriel, le plastique est utilisé pour ses propriétés dédiées à chaque usage. Selon l’étude INRAE-CNRS, pas moins de 16 000 substances chimiques sont présentes dans les plastiques, dont 3 000 sont connues pour leurs effets toxiques. Certaines sont des perturbateurs endocriniens, comme le bisphénol A et les phtalates. Ce qui complexifie d’autant leur recyclage. D’autant que le plastique reste un matériau fragile et qu’il a tendance à fragmenter en microparticules, à se dégrader et à se disperser. Ce qui en fait une source de contamination de l'environnement. Muriel Mercier-Bonin précise qu'on retrouve « 25% de ces substances dans les fluides et les tissus humains ». Ils auraient un effet « cheval de Troie »avec la capacité d’adsorber** et de désorber d’autres contaminants, une fois dans notre organisme. Le souci principal est qu’aujourd’hui le plastique n’est que peu biodégradable et peu biodégradé.
(*) Le rapport est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://librairie.ademe.fr/
(**) L’absorption implique le transfert de particules d’un matériau à un autre, tandis que l’adsorption implique l’adhésion de particules à la surface d’un matériau.
> Retrouver l'article paru sur le site de l'INRAE sur le sujet
L’agriculture bon élevage du recyclage Au niveau mondial 64 % des plastiques sont enfouis. Au plan européen, 42 % sont incinérés et 35 % sont recyclés (le double d’il y a 15 ans). En France, ils sont collectés pour être recyclés (35 %), incinérés (33 %) et enfouis (32 %). Le rapport Inrae-CNRS évoque certes le rôle d’Adivalor mais n’insiste pas assez sur le fait que l’agriculture s’est dotée d’une filière très efficace de collecte et de recyclage des plastiques. Adivalor a collecté et recyclé en 2024, 102 000 tonnes de déchets plastiques agricoles soit +5,2 % par rapport à 2023 (97 000 tonnes), ce qui a permis d’éviter l’émission de 107 575 tonnes de CO₂. |