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Forêt : Valoriser le bois local

Plusieurs acteurs locaux : élus, associations et entreprises se sont retrouvées entre les mur de la villa Monplaisir de Gérardmer pour échanger et co-construire la filière bois local de demain. © Photo Marion FALIBOIS
Plusieurs acteurs locaux : élus, associations et entreprises se sont retrouvées entre les mur de la villa Monplaisir de Gérardmer pour échanger et co-construire la filière bois local de demain. © Photo Marion FALIBOIS

Le mardi 30 septembre, Le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, le collectif Des Hommes et Des Arbres, l’interprofession Fibois Grand Est et l’association régionale MADEiN Grand Est, ont organisé conjointement une journée dédiée au bois local et de réemploi.

Pour échanger sur le sujet, différents acteurs de la filière bois étaient conviés : professionnels du bois, du design, de la création et décideurs publics ont participé aux échanges. Organisateurs et participants étaient animés par la même intention : créer ensemble des actions de valorisation en circuit court du bois du massif vosgien et, en particulier, le bois de sapin.

Contexte de la filière bois Grand Est

En Grand Est, 50 % des entreprises de la filière réalisent moins de 250 k€ de chiffre d’affaires. Ce sont principalement de petites entreprises dont la clientèle est majoritairement constituée de consommateurs/ particuliers. 29 % des entreprises réalisent + de 2 M€ de chiffre d’affaires. Ces dernières s’adressent davantage aux professionnels.

En ce qui concerne la filière ameublement, aménagement et décoration, elle représente 2500 emplois en région. 20% de son chiffre d’affaires repose sur l’export. Et 35% des meubles achetés en France sont fabriqués en France.

«Les segments de marchés présentent de grosses disparités en matière de croissance et de décroissance.» soulignait Rémi Chambré, chargé de mission à MADEiN Grand Est. Ainsi, c’est la catégorie meubles et décoration qui représente la plus grande part de marché avec 8,1 Md €, soit 55% du marché domestique. Pourtant, ce segment connaît une baisse de 9%. Même tendance pour le segment cuisine qui concentre 27% du marché domestique (3,7 Md €) et qui accuse une baisse de 12%. Côté salle de bain, avec 0,5 Md € et 4% du marché domestique, la baisse est aussi conséquente : 7,2%. Enfin, pour les espaces de bureau et les espaces collectifs, qui pèsent respectivement pour 1,33 Md € et 0,8 Md €, d’importantes mutations sont constatées avec des baisses de 3% et 4%.

Les seules hausses concernent la literie, avec 2,1Md€ et 14% du marché domestique, qui progresse de 1,2%; et l’hôtellerie/ restauration, les espaces de loisirs et commerces qui représentent 3,1 Md € soit une hausse de 5%. Attention toutefois, «ce sont des chiffres de 2024. La tendance de cette année est plutôt baissière » soulignait l’intervenant. D’autant que les professionnels de l’ameublement manquent de visibilité sur la concrétisation des devis. «Nos entreprises nous disent avoir des sollicitations pour des demandes de chiffrage, mais elles rencontrent des difficultés pour faire aboutir les projets. Cela peut s’expliquer par de l’attentisme qu’induit un contexte d’incertitudes sur l’avenir, la comparaison des devis, et la hausse des prix des matières premières.» expliquait le chargé de mission. A cette difficulté s’ajoute la nécessaire évolution du métier. Aujourd’hui, les entreprises doivent intégrer à leur métier l’éco-conception, le design durable et la seconde main car «à peu près 1/4 des meubles achetés en France sont de seconde main ou reconditionnés.»

Des usages à adapter

Contrairement aux idées reçues, la région compte plus de feuillus que de résineux. «L’objectif est de valoriser l’usage du bois vers le bois d’oeuvre en priorité. Seulement après, si le bois n’est pas exploitable, il est alors dirigé vers le bois énergie ou industrie.» affirmait Aurélia Perry, prescriptrice bois à Fibois Grand Est. L’usage de bois local induit souvent l’usage de bois massif. Ce matériau peut entraîner une hétérogénéité des produits. Il convient donc de déshabituer les consommateurs aux productions standardisées afin de favoriser les circuits courts et la valorisation des essences locales. D’autant que les consommateurs ne sont pas les seuls à s’être habitués «les fabricants ont besoin de produits semi-finis qui vont être adaptés aux process industriels.» En effet, les scieries locales sont en mesure de proposer des bois bruts, mais ces derniers ne sont pas nécessairement prêts à être usinés et intégrés dans des commandes numériques. «Là où le bois déjà transformé est prêt à être utilisé, le bois local génère souvent des coûts supplémentaires pour pouvoir être intégré à la chaîne de production.» soulignait l’intervenant de MADEiN Grand Est.

Un tissu économique nécessaire

La région Grand Est dispose d’une surface boisée qui couvre près d’1/3 de sa surface totale et 56% de la forêt régionale est publique. «Cela représente 11 420 entreprises qui génèrent 53 070 emplois sur le territoire. Nous avons à la fois la ressource et le savoir-faire» affirmait la représentante de l’interprofession. Autre sujet, la question de l’accessibilité de la ressource. Si la plupart des acteurs économiques et politiques s’accordent sur l’intérêt d’utiliser du bois local en circuit court, la question du « comment ? » reste déterminante. Comment rendre le bois local utilisable à grande échelle dans les produits de mobilier et d’agencement ? Car «les entreprises nous disent que les demandes de prescripteurs penchent en faveur de l’utilisation de bois local.» partageait Rémi Chambré. Mais cela demande de trouver des volumes suffisants pour couvrir un chantier complet. L’usage de bois local nécessite donc d’établir toute une filière dédiée, de l’exploitant forestier en passant par la transformation : bucheron, scieur, menuisier, agenceur, ébéniste... jusqu’au consommateur qui doit, lui aussi, accorder son envie de consommer plus localement et plus durablement et son acte d’achat.

Grâce à l’implication d’acteurs territoriaux tels que les parcs naturels, les interprofessions, les associations spécialisées, mais aussi les collectivités locales, la filière bois local est en cours de structuration. La mise en réseau des fabricants et des partenaires demande toutefois du temps et des moyens. Certains projets pilotes ont tout de même déjà pu voir le jour. «Les projets collaboratifs qui ont fonctionnés sont ceux où tous les acteurs étaient bien associés et, surtout, ceux où le projet est travaillé directement avec le client final. C’est un gage de réussite. Car c’est la garantie que le projet répond réellement aux besoins du marché.» insistait l’intervenant de MADEiN Grand Est.