Vous êtes ici

Portrait : Roger Charles, vosgien et passionné d’agriculture

Roger Charles, 76 ans, témoigne de l’évolution de l’agriculture vosgienne. © Photo Marion FALIBOIS
Roger Charles, 76 ans, témoigne de l’évolution de l’agriculture vosgienne. © Photo Marion FALIBOIS

Bien qu’il n’ait jamais exercé en tant qu’exploitant, Roger Charles, 76 ans, s’est attaché à retracer l’histoire de l’agriculture du département. Que ce soit à travers son livre ou sa chaîne YouTube, il a à cœur de mettre en perspective l’agriculture d’hier avec celle d’aujourd’hui.

Aîné d’une fratrie de dix enfants, Roger grandit au contact de la terre dans la ferme familiale. L’exploitation de ses parents est née à Bellefontaine avant de s’exporter aux Granges-de-Plombières, puis à Xertigny et, enfin, à Granges-sur-Vologne, où les exploitants trouvèrent la place suffisante pour développer leur troupeau, le tout en fermage.

Des racines agricoles

Le père de Roger, Georges Charles, était membre d’un Centre d’expertise technique agricole (CETA). C’est lors d’une réunion qu’il apprit l’existence de la ferme de Granges-sur-Vologne. Cette exploitation, de plus de 30ha, était vide depuis plus d’un an malgré ses nombreux bâtiments d’élevage. «C’était une ferme annexe à une entreprise textile. Considérée comme modèle à l’époque, elle servait à fournir des pommes de terre et la force de traction, c’est-à-dire les chevaux, qui transportaient le textile entre Aumontzey et l’usine de Granges-sur-Vologne.» La famille Charles s’installe donc sur cette exploitation en fermage et se concentre alors sur la production de lait en vente directe. «C’est dans cette exploitation que naîtra mon dernier frère en 1967.»

L’envie d’apprendre 

Alors que ses parents le destinaient tout naturellement à reprendre l’exploitation familiale, Roger, de son côté, avait toujours voulu faire des études. «Le rythme proposé par les maisons familiales était d’une semaine à l’école et deux semaines à l’exploitation.  Cela ne me convenait pas. J’avais la volonté d’apprendre.» C’est finalement en lisant un numéro du Paysan Vosgien de 1962 qu’il découvre son futur établissement. «Le journal avait publié les différentes solutions d’écoles pour les jeunes paysans. Et, il s’est trouvé que, dans l’offre, j’ai découvert l’école d’agriculture de La Barotte, à Châtillon-sur-Seine. L’avantage de cette école, c’est que le rythme scolaire reposait sur deux trimestres d’école et un trimestre de pratique sur exploitation.» Ses parents n’ayant pas de voiture à cette époque, c’était des amis de la famille : «Les Duchênes et notamment Pierre et Edith Coanet» qui le portaient à l’école à chaque rentrée et allaient le chercher.

Son père étant également membre d’un groupe de vulgarisation, il rencontre dans ce cadre un instituteur itinérant : Victor Recouvreur. «C’était une structure qui dépendait pour partie de la FDSEA. Il en existait dans le département sept ou huit et ces personnes travaillaient à temps partiel comme agents de développement. C’était alors le début de la révolution apportée par les engrais, désherbants et semences sélectionnées.» Cet instituteur itinérant accompagnait une vingtaine d’agriculteurs du canton de Xertigny. «C’est notamment lui qui a initié les prairies temporaires et les essais fourragers. Il apportait des conseils, appuyés par des fiches techniques.» C’est en faisant la connaissance de Victor Recouvreur que les parents de Roger commencent donc à envisager un autre métier pour leur aîné. 

«Lorsque j’étais en 3e année, l’école de la Barotte a été transformée en collège agricole. Je l’ai intégré avant d’entrer au Lycée Agricole de Mirecourt qui venait d’ouvrir. J’ai ensuite été à l’école de Pixerécourt où j’ai fait un BTS élevage avant de me marier, à 20 ans.»

Vie professionnelle

Riche de cette formation, Roger Charles consacre ensuite toute sa carrière à accompagner, d’une manière ou d’une autre, les agriculteurs du département«Bien que je n’ai pas souhaité reprendre l’exploitation familiale, je n’ai pas songé un seul instant travailler dans un autre domaine. Car c’est toujours dans l’agriculture que je me sentais le mieux.» assure-t-il. Roger partage son attrait pour l’agriculture avec son épouse d’alors : Monique. «Elle était assistante sociale. Je l’ai amené à l’agriculture d’ailleurs, car elle a obtenu une bourse de la MSA des Vosges pour laquelle elle a ensuite travaillé toute sa vie.»

De son côté, au début de sa carrière, Roger travaille pour le département de Meurthe-et-Moselle pendant un an, avant un bref passage de cinq mois à la coopérative des éleveurs es Hautes-Vosges (CEHV). Il est ensuite recruté par Pierre Coanet en 1972, alors engagé dans le syndicalisme agricole au sein de la FDSEA. «Ils recherchaient quelqu’un pour s’occuper de la section lait à la FDSEA et m’a finalement convaincu de participer.» A cette époque, la section avait besoin de se structurer : «les réunions duraient jusqu’à pas d’heures… Mais, sur le fond, travailler à la FDSEA était intéressant, car c’était un carrefour agricole où se passaient beaucoup de choses. Néanmoins, cela a été énormément de boulot.» Ainsi, il participa notamment à la création de l’Union des Producteurs de lait des Vosges (UPLV) en 1974. 

En 1978, il porte la double casquette de responsable de la FDSEA et du groupement de défense sanitaire des Vosges (GDS)«C’était trop pour un seul homme. Je me suis donc consacré à la direction du GDS à plein temps.» Il y occupera la fonction de directeur jusqu’en 1997. «Il y a d’abord eu la période où il fallait conduire à leur terme les prophylaxies d’Etat et en finir avec la tuberculose, la leucose et la brucellose, très problématique dans le département. A ces problèmes sanitaires s’ajoutaient les mammites.» Il participa également à la création d’EuroSanitaire en parallèle d’Eurogénétique «car les deux vont de paire et participent à la renommée des produits des élevages vosgiens !» souligne-t-il. «Cela nous a permis d’entraîner avec nous 17 départements du Grand Est. Nous nous sommes ensuite retrouvés régulièrement ce qui nous a permis de travailler à l’échelle régionale et non plus uniquement départementale.» précise l’ancien directeur.

Créer pour témoigner

En ayant consacré toute sa carrière aux OPA, Roger Charles a vécu de l’intérieur l’évolution de l’agriculture vosgienne. Après 20 ans au GDS, Roger en revient à ses premières amours : la création et la communication. Il s’installe alors comme indépendant : «Je suis parti dans une logique où je pouvais utiliser ce que j’aimais : la photo et l’informatique. Puis, rapidement, j’ai mis à disposition mes connaissances du milieu et mes photos à mon réseau professionnel. Je travaillais beaucoup avec les GDS, l’APAL, les interprofessions et les démarches de qualité. Mon travail allait de l’image jusqu’à la sortie du support papier.» Après s’être professionnalisé dans la photo en créant sa société Charles Studio, il crée ensuite Agrimage, société avec laquelle il créait : «des panneaux de fermes sur lesquels je mettais en valeur les éleveurs et leurs productions grâce aux logiciels, car c’était le début du travail numérique sur l’image.»

Petit à petit, il se constitue une photothèque. Si cette dernière était utile à ses clients, elle le fût aussi dans le cadre de la réalisation de son livre : Histoire de l’agriculture et du monde rural : 50 ans, de 1945 à 1995«Je voulais témoigner de ce que j’ai vécu, et garder une trace de cette période.» Ainsi, en 2015, il se consacre à la documentation, la rédaction et la mise en page de l’ouvrage. Fruit de ce travail, le livre sortira finalement en mars 2017.

Suite à la rédaction de son premier livre, Roger Charles envisageait d’en écrire un second, pour aborder l’approvisionnement et la transformation. «Cependant, cela représente un travail important, et mes lecteurs sont pour la plupart des personnes qui connaissaient déjà l’histoire de cette période.» Il change alors de média et opte pour la vidéo. Ainsi naquit sa chaîne YouTube : « Charles, de Point de vue Campagne ». Bien que cela demande de nombreuses heures de travail, si Roger Charles communique sur l’histoire de l’agriculture du département, c’est avant tout par passion «ce n’est pas une source de revenu pour moi, c’est un plaisir !» affirme-t-il. «La vidéo me permet d’être plus réactif, d’adopter un format plus court avec des vidéos de 15min en moyenne». A travers ses sujets, il aborde l’évolution sociale, sociétale et technique de l’agriculture. «J’ai toujours aimé la technique» confie-t-il. Fin 2020, il se lance donc un nouveau défi : apprendre avec des tutos, le montage vidéo sur un logiciel professionnel à l’âge de 72 ans ! 

Dans ses vidéos, il partage reportages et témoignages afin d’illustrer le postulat que « l’agriculture d’aujourd’hui, c’est l’héritière de celle d’hier ! ». «Je voulais contrer l’idée reçue qui voudrait opposer l’agriculture que nous connaissons aujourd’hui et celle d’hier. Non. C’est la même ! Ce n’est que le résultat d’une évolution et, celle d’hier était simplement un peu plus pénible car moins mécanisée.» Cette polarisation du débat autour de l’agriculture, Roger l’explique par «une déconnexion et une méconnaissance de l’agriculture

Ainsi, via ses médias, le créateur devient témoin et récrée du lien entre l’agriculture d’aujourd’hui et d’alors, mais aussi entre la profession et le grand public. 

 

Ressources :

> Voir la vidéo de Roger Charles à l'occasion des 50 ans de l'UPLV en 2024

Riche de ses expériences en photographie, Roger Charles s’est construit un studio dans une pièce de son habitation. © Photo Marion FALIBOIS
Photos, livre, vidéos, panneaux, Roger Charles utilise de nombreux supports pour mettre en valeur l’agriculture et ceux qui la font. © Photo Marion FALIBOIS