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Convention Gestion des prairies : « Tu marches dans mon assiette ! »

La Chambre d’agriculture et la Communauté de Communes des Hautes Vosges ont remis leurs panneaux au GAEC des Champis et à Christopher Géhin. © Photo Mélanie Becker
La Chambre d’agriculture et la Communauté de Communes des Hautes Vosges ont remis leurs panneaux au GAEC des Champis et à Christopher Géhin. © Photo Mélanie Becker

Depuis quatre ans maintenant, la Communauté de Communes des Hautes Vosges et la Chambre d’Agriculture des Vosges sont liées par une convention concernant la gestion des prairies. Mardi 10 juin 2025, à La Bresse, s’est tenue la remise officielle des panneaux de communication aux exploitations agricoles.

La convention de gestion des prairies a pour but de mettre en valeur la place des prairies dans l’équilibre agroécologique du territoire. Dans un même temps, cela vise à accompagner les agriculteurs de montagne dans l’adaptation de leurs pratiques prairiales face aux effets du changement climatique. Isabelle Perry, vice-présidente de la Chambre d’agriculture des Vosges, explique : «le but était de mettre en valeur les prairies naturelles en optimisant les apports d’intrants pour faire face à des problématiques d’eau, d’engrais, de changement climatique, etc. » Lors de la première convention, cinq exploitations ont reçu les conseils et suivis techniques annuels de la Chambre d’agriculture. Deux exploitations supplémentaires qui ont franchi le pas.

Aménagement le territoire 

La remise des panneaux pédagogiques est la dernière action prévue dans le cadre de la convention. Cette année, la date n’a pas été choisie au hasard. En effet, elle a été placée durant la semaine du paysage qui se tenait du 6 au 15 juin sur la communauté de communes. Gérard Clément complète : «Il y avait d’autres animations sur l’herbe. Par exemple, la découverte des prairies en VTT à assistance électrique avec des accompagnateurs en montagne.»

En rejoignant le programme, les éleveurs bénéficient d’un accompagnement technique annuel à la gestion durable des prairies. Cette prise en compte des prairies est essentielle sur la communauté de communes car elle compte 75% de forêts. Parmi les 25% restants, 95% sont des prairies naturelles. 

La communauté de communes prend en charge 50% du financement du diagnostic. Le reste à charge pour les exploitants correspond donc aux 50% restants. Le métier d’agriculteur influe sur l’aménagement du territoire. Ils partagent donc avec les communautés de communes les enjeux de l’eau, du réchauffement climatique, et bien d’autres. Gérard Clément est agriculteur à Tendon, maire de son village, mais aussi vice-président de la communauté de communes des Hautes Vosges en charge de l’aménagement des territoires, il souligne : «Beaucoup d’éleveurs sur nos territoires seront concernés par un départ en retraite dans les 10 ans à venir. Il faut donc que la collectivité locale soit un lien entre le décideur politique et le jeune éleveur qui débute sa carrière pour les accompagner.»

Leviers agronomiques

Côté pratique, Céline Blaison, conseillère développement local basée à la Chambre d’agriculture à Gérardmer explique : «un diagnostic initial assez poussé est réalisé sur l’ensemble de l’exploitation.  Cela permet de choisir les parcelles retenues. Ensuite, nous faisons des analyses de fumier, de lisier et des sols.  Ainsi, les agriculteurs savent plus précisément l’impact de leurs apports de matière organique sur leurs sols.» À l’issue de ces analyses, des pistes d’amélioration et des changements de pratiques sont proposées aux agriculteurs engagés.

Pour cette deuxième édition, les fermes engagées étaient le GAEC des Champis, de Marie et Baptiste Arnould, à La Bresse avec 10 ha de prairies mobilisées sur ses 140 ha de SAU et l’exploitation de Christopher Géhin, agriculteur installé à Basse-sur-le-Rupt, avec 4 ha sur 73 ha. 

Pour tenter d’atteindre leurs objectifs, ces agriculteurs ont modifié leurs pratiques. Marie Arnould raconte : «nous avons choisi des parcelles sur lesquelles nous avions envie d’avoir davantage de données. Avec le changement climatique, celles-ci se fatiguaient et produisaient moins.» Baptiste Arnould poursuit «grâce aux analyses réalisées, nous nous sommes rendu compte que nous apportions trop de fumier. Or, cela entraîne une asphyxie de l’herbe qui laisse place à des espèces non désirées. Le programme nous a donc permis de mettre en place des actions sur des leviers suite aux résultats des analyses réalisées.» De même, Christopher Géhin explique : «Cela m’a apporté une autre vision sur mes pâtures. J’ai découvert comment apporter les engrais en fonction des besoins.» Suite à ce programme, l’exploitant envisage de continuer à modifier ses pratiques : «sur certaines prairies je vais faire du sursemis pour améliorer leur qualité. Pour cela, j’ai acheté un semoir spécifique.»

En changeant leurs pratiques, les éleveurs espèrent observer à long terme une amélioration de la qualité de l’herbe. En effet, pour beaucoup, celle-ci est la seule source d’alimentation des animaux, sa qualité et sa quantité sont donc primordiales. De même, d’un point de vue santé, des prairies très variées permettent de cumuler les vertus médicinales des différentes plantes présentes. Grâce aux changements de pratiques, par endroits, les agriculteurs observent déjà plus de trèfle et moins de chardons et de genets. Les éleveurs peuvent donc espérer avoir une meilleure santé des animaux grâce aux bienfaits des plantes de leurs prairies. 

Comprendre les enjeux des prairies

Les panneaux, installés en bord de parcelles, visent à sensibiliser les passants sur leurs caractéristiques, leur importance et surtout sur les bonnes pratiques à appliquer en tant que visiteur. Et cela fonctionne ! Une ferme de la première session du programme souhaiterait installer davantage de panneaux. 

Une pratique déjà répandu en Haute-Savoie « il y a partout des panneaux avec des vaches qui disent : «Attention tu marches dans mon assiette !». Je me demande s’il ne faudrait pas reprendre le concept.» explique l’élu de la communauté de communes. Isabelle Perry le rejoint sur ce point : «Cela permet de sensibiliser les enfants.» De manière générale, le projet a pour but de mettre en lumière les rôles multiples de l’herbe. En effet, au-delà de l’alimentation des troupeaux, les prairies permettent le stockage de carbone, participent à la préservation de la biodiversité, la qualité des paysages et s’inscrivent dans l’économie locale. En effet, Gérard Clément a également souligné l’importance de lier qualité de la prairie à celle de notre alimentation : «Il y a une étude de l’INRAE et de VetAgro Sup Clermont-Ferrand, sortie en mai, qui démontre que le pourcentage d’herbe fraîche dans les rations des animaux détermine le goût des fromages. »

Un plan d’action plus large

Au-delà de la convention de gestions des prairies, «32 exploitations sont déjà engagées sur des Paiements pour Services Environnementaux (PSE) sur le territoire» souligne Gérard Clément. Cet engagement entre agriculteurs et collectivités concerne : l’environnement, la qualité de l’eau, les paysages, la biodiversité, le maintien des talus, arbres isolés, fossés, ruines, etc. Son financement se fait à 88%  par l’Agence de l’eau, 4% par la Région Grand Est et 8% par la Communauté de Communes des Hautes Vosges.

La remise des panneaux a lieu au GAEC des Champis. © Photo Mélanie Becker
La Communauté de Communes des Hautes Vosges comprend 75% de forêts et 95% du reste du territoire est en prairies. © Photo Mélanie Becker
Le panneau du GAEC des Champis permettra aux promeneurs de mieux comprendre les prairies. © Photo Mélanie Becker
Christopher Gehin a reçu sont panneau à apposer à proximité de sa prairie engagée. © Photo Mélanie Becker