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PPL Duplomb plombée, les agriculteurs se mobilisent

(De G. à D.) Philippe Clément, président FDSEA 88, Nicolas Lallemand, co-président JA 88 et Germain Blaise, co-président JA 88. © Photo Marion Falibois
(De G. à D.) Philippe Clément, président FDSEA 88, Nicolas Lallemand, co-président JA 88 et Germain Blaise, co-président JA 88. © Photo Marion Falibois

La proposition de loi Duplomb, qui entend lever certaines contraintes pesant sur le métier d’agriculteur, a été adoptée au Sénat en janvier. Pour autant, sa promulgation semble mise à mal, suite à son passage à l’Assemblée Nationale où le texte de 8 articles a été freiné par quelques 3440 amendements.

Principalement émis par les groupes La France Insoumise (LFI) et Europe Ecologie Les Verts (EELV), les nombreux amendements portant sur la proposition de loi compromettaient sa concrétisation avant même qu’elle ne soit examinée à l’Assemblée. Dans le cadre d’un mouvement national, une centaine d’agriculteurs vosgiens ont répondu à l’appel de la FNSEA et JA pour manifester leur colère, au pied de la Préfecture d’Epinal, le soir du jeudi 22 mai.

Colère ravivée

C’est suite aux mobilisations sans précédent du début d’année 2024 que l’Etat s’était penché sur les moyens qu’il pourrait mettre en place pour faciliter, ou du moins alléger, l’exercice du métier d’agriculteur. C’est dans cette volonté que s’inscrit la proposition de loi portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI). Elle entend répondre en partie aux demandes de simplification des syndicats agricoles, depuis plus d’un an maintenant. 

Dans les grandes lignes, la proposition de loi vise notamment à : 

  • Permettre pour certaines cultures, via des dérogations, l’usage de l’acétamipride : pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 mais encore autorisé temporairement en Europe, jusqu’en 2033. Toujours sur le sujet des pesticides, la PPL souhaitait distinguer les activités de vente et de conseil aux agriculteurs sur l’achat de produits phytopharmaceutiques mais aussi de permettre au ministre chargé de l’agriculture d’intervenir dans le cadre du processus de délivrance des autorisations de mise sur le marché(AMM) de produits phytopharmaceutiques par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).
  • Trouver une issue à l’effet émanant de la loi « Industrie verte » en permettant de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une permanence en mairie. Et sécuriser juridiquement la « désurtransposition » de la directive sur les émissions industrielles (IED) en matière de bâtiments d’élevage en allégeant la procédure d’autorisation environnementale dans le cadre de la construction de bâtiments d’élevage et en réhaussant les seuils. 
  • Inscrire les prélèvements et le stockage de l’eau à fins agricoles dans la notion d’intérêt général.
  • Répondre à la demande de simplification administrative via la réalisation d’un contrôle administratif annuel unique, mis en œuvre dans le cadre de missions interservices agricoles à l’échelle des départements.
  • Apaiser les relations entre agriculteurs et l’office français de la biodiversité (OFB) en privilégiant, quand cela est possible, la procédure administrative et la remise en état, aux procédures judiciaires et aux sanctions.

Mobiliser les élus

Alors en passe d’être soumise et potentiellement votée à l’Assemblée Nationale, les syndicats agricoles majoritaires mettaient la pression aux élus locaux afin qu’ils «votent dans le bon sens» et «respectent les promesses faites lors des manifestations de l’année dernière.» Le soir du 22 mai, trois élus vosgiens ont fait le déplacement pour témoigner leur soutien à la profession : Le député Sébastien Humbert, le sénateur Daniel Gremillet (qui a soutenu le texte lors de son passage au Sénat) et Madame Valérie Michel Moreaux, préfète des Vosges, venue assurer aux agriculteurs son écoute.

«Lorsque nous étions mobilisés l’année dernière sur les routes et les autoroutes du département, l’ensemble de élus et des parlementaires est venu nous taper sur l’épaule en disant : «cette fois nous vous avons compris. Nous sommes avec vous. Ne vous inquiétez pas, les choses vont changer.» Et nous revoilà, au même endroit, un an plus tard.» s’agaçait Nicolas Lallemand, co-président JA Vosges.  Malgré le travail engagé par les sénateurs via la proposition de loi entraves, certains députés «détricotent le texte pour le vider de sa substance voire, souhaitent nous rajouter des contraintes.» déplorait-il.

Son co-président, Germain Blaise, ajoutait : «Si nous sommes mobilisés aujourd’hui par rapport à la proposition de loi contraintes, c’est que nous y fondions beaucoup d’espoirs Le représentant syndical déplorait qu’elle soit souvent réduite à son article portant sur l’usage des pesticides «alors qu’il s’agit de lever l’ensemble des contraintes administratives qui pèsent sur le métier.» De même, sur le stockage de l’eau, il demandait «d’arrêter d’utiliser les termes de « megabassine ». L’objectif est simplement d’assurer notre souveraineté alimentaire, de conserver les filières et de rester un pays avec une agriculture forte. Soyons-en fiers.» Parmi les principales revendications, Germain Blaise insistait sur l’importance de «ne pas surtransposer des normes françaises aux normes européennes.»

Insupportables contradictions

Au-delà de la difficile évolution de la PPL Duplomb, les représentants syndicaux signalaient d’autres incohérences aux parlementaires, sur la filière bio notamment. «Alors que la filière est en crise, le budget de l’Agence bio a été réduit de 15 millions d’euros.» soulignait Nicolas Lallemand. En effet, ce budget destiné à la promotion des produits bio et au soutien de la consommation semble essentiel alors que la filière traverse une période difficile depuis plusieurs années. «Nous souhaitons que ce budget reste dans la filière et qu’il soit destiné à des projets structurants» affirmait le co-président JA 88.

Les représentants syndicaux ont également fait remonter à la Préfète une autre source de préoccupation, départementale cette fois-ci : les dégâts de gibier. En effet le schéma départemental cynégétique adopté il y a trois ans se solde selon eux « d’un constat d’échec » qu’il convient d’établir. Ils dénonçaient l’inefficacité des contrats d’agrainage qui ne sont pas respectés et l’augmentation du nombre de dégâts. «Nous demandons la réouverture des négociations dans le cadre d’un bilan à mi-parcours» avançait Nicolas Lallemand.

Fer de lance du syndicalisme agricole jeune, le renouvellement des générations est un enjeu capital pour le métier. Afin de donner des perspectives aux agriculteurs de demain, FDSEA et JA demandaient «de la stabilité politique. Nous avons besoin d’un cap pour notre agriculture !»

 «Nous ne demandons rien de plus que la non surtransposition des normes.» renchérissait Philippe Clément, président de la FSDEA 88. «Il est essentiel pour pouvoir maintenir l’agriculture sur nos territoires et une agriculture compétitive vis-à-vis de nos voisins européens. Si l’on veut manger local, il faut accepter la production locale. Le combat que nous menons aujourd’hui est pour l’avenir de notre profession mais aussi pour l’avenir de l’alimentation de nos concitoyens. Nous avons besoin d’un cap politique qui s’inscrive dans le temps.» affirmait-il. Aussi, il concluait en demandant aux élus de «faire preuve de courage politique et de soutenir la simplification pour assurer notre souveraineté alimentaire.»

A la suite de cette action départementale, une délégation vosgienne s’est rendue le 26 mai devant l’Assemblée Nationale de Paris, afin de poursuivre le mouvement syndical et de maintenir la pression sur les élus. 

La Préfète des Vosges, Valérie Michel Moreaux, est venue assurer aux agriculteurs rassemblés que l’Etat serait à leur écoute. © Photo Marion Falibois
Devant la Préfecture d’Epinal, une centaine d’agriculteurs vosgiens protestaient contre les entraves qui pèsent sur l’agriculture française. © Photo Marion Falibois
Le 26 mai, une délégation vosgienne s’est dirigée vers l’Assemblée Nationale pour porter le message au plus haut niveau de l’Etat ©FDSEA/ JA 88.