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Les éleveurs inquiets de la situation sanitaire

Assemblée générale FNPL © Photo DR
Assemblée générale FNPL © Photo DR

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a tenu sa 81e assemblée générale à Paris. L’occasion pour ses dirigeants de faire le point sur l’état sanitaire de leurs troupeaux et de prévenir les possibles crises à venir. 

« FCO, MHE, tuberculose… face aux menaces, anticiper et agir pour ne pas subir ». Tel était le titre de la table-ronde qui a précédé les traditionnels discours de clôture de l’assemblée générale et dont il ressort que l’ensemble de la filière est mobilisé pour lutter contre les maladies vectorielles qui touchent une grande partie des cheptels français. Entre le 5 août 2024 et le 10 avril 2025, 10 695 foyers de fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 (FCO 3) ont été recensés dans 62 départements. Sur la même période, 16 873 foyers ont été recensés en FCO-8 dans 73 départements. Quant aux cas de maladie hémorragique épizootique (MHE) pas moins de 3 873 foyers de (MHE) ont été certifiés en France dans 34 départements entre le 1er juin 2024 et le 10 avril 2025. La FCO-1 frappe aux portes. Elle est en Espagne et le ministère a commandé des vaccins pour former un cordon sanitaire dans huit départements du Sud de la France, des Landes aux Pyrénées-Orientales.

France souveraine

La situation inquiète les éleveurs qui perdent des animaux et voient leurs productions baisser. « J’ai perdu des vaches, et j’ai dû euthanasier des veaux qui sont nés aveugles », a témoigné Ludivine Fauchoit, éleveuse laitière dans le Nord, dont le troupeau a été touché par la FCO-3. Si la vaccination a été profitable, elle est cependant arrivée trop tard dans les fermes, a-t-elle regretté. Les délais entre la survenance d’une maladie vectorielle et la mise au point d’un vaccin sont-ils compressibles ? « Difficilement », a concédé Pierre Aubert, responsable du Service des actions sanitaires au ministère de l’Agriculture, expliquant que la mise au point d’un vaccin, la vérification de son efficacité et son autorisation de mise sur le marché prennent du temps.

« Regardez ce qui s’est passé pour la grippe aviaire. Il faut au moins un an pour concevoir un vaccin, quand il existe ». Même si la France est souveraine dans le domaine vaccinal (34 % des laboratoires européens sont en France), la production peine à fournir face à une demande de plus en plus croissante. En effet, à la faveur du changement climatique, de nouvelles souches apparaissent, pas seulement en France et en Europe, les laboratoires peinent à répondre aux nombreuses commandes. « Nous sommes dans une année de transition et nous espérons sortir de ce bourbier », a-t-il affirmé. C’est ce qui explique que le lancement des Assises du sanitaire animal fin janvier pour permettre une meilleure organisation entre les différents acteurs. L’une des solutions proposées par les membres de la FNPL pourrait être « une formation d’éleveur infirmier » ou encore de revenir à des campagnes de démoustication plus efficaces car ce sont les moucherons piqueurs qui transmettent ces maladies. « Mais les écolos l’interdisent », regrette un éleveur. 

Sécurité et visibilité

Reste le volet financement : « l’Etat ne doit pas se désolidariser du financement de la vaccination », a averti Christophe Chambon, président du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) qui suggère d’élargir les attributions de son institution à la prévention « car on a mal vécu la non-disponibilité des vaccins », a-t-il souligné. Mais il reconnaît qu’aller « chercher les enveloppes financières chaque année, ça devient de plus en plus compliqué ». Ce qui explique aussi qu’en bout de chaîne « ça coince » : « On est sur liste d’attente pour la FCO-8 et la FCO-4. Après la mise à l’herbe, ce sera trop tard », a complété Ludivine Fauchoit. « Nous faisons tout pour éviter les ruptures critiques », a insisté Jean-Luc Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV). A ce jour, il existe cinq ruptures sur 3 000 spécialités « mais il faut compter sur les nouvelles souches émergentes », a-t-il précisé. Comme l’ont précisé Quentin Le Guillous, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs et Yohann Barbe, président de la FNPL, « les éleveurs ont besoin de sécurité et de visibilité ». Ce qui passe par de nombreux facteurs comme la préservation sanitaire des troupeaux ; une vision stratégique laitière en France, qu’elle vienne des entreprises privées ou des coopératives ; mais aussi des négociations commerciales transparentes et des réglementations claires qui permettent non seulement de développer la production mais aussi d’attirer de futurs éleveurs. « Il nous faut reconquérir le milliard de litres de lait perdus », a martelé Yohann Barbe qui veut augmenter le seuil des ICPE. « Il faut lever cette épée de Damoclès » a-t-il lancé à la ministre Annie Genevard qui entend convaincre, sur ce sujet, sa collègue de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. « Car les éleveurs, c’est dans mon périmètre », a-t-elle assuré.