
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Académie d’agriculture de France (AAF) organisaient sur le Salon de l’Agriculture, un colloque sur le thème « Elevage en transition vers la durabilité ».
Scientifiques et académiciens agricoles se sont creusés les méninges pour essayer d’esquisser une définition de l’élevage durable. Une tâche d’autant plus complexe que l’élevage lui-même est très hétéroclite selon les territoires, les systèmes de production et les itinéraires techniques. « Et que les impacts des élevages sont importants, de manière négative et positive sur de nombreux systèmes », a indiqué Jean-Louis Peyraud, directeur de recherche à l’Inrae. Côté négatif, l’élevage participe « à l’émission de gaz à effet de serre, à la déforestation, à la résistance aux anti-microbiens, à la surconsommation de protéines animales, etc… », a-t-il listé. L’élevage produit également des externalités positives : valorisation de biomasses non consommables, production d’engrais organiques, gestion des paysages, gastronomie, vitalité des territoires etc. Le problème majeur selon Jean-Louis Peyraud est que l’élevage français ne parvient pas à couvrir la consommation nationale. « On ne produit pas la viande qu’on consomme », a-t-il observé. D’où la nécessité de maximiser les services, notamment ceux liés au recyclage des effluents et à la valorisation des prairies. Ces dernières ont un « impact positif sur la biodiversité, en particulier en maintenant les zones humides, en régulant les flux d’eau et de nitrates, en limitant l’érosion, en valorisant 9 millions d’ha de surfaces non cultivables,, en stockant le carbone… », a-t-il ajouté, précisant que la diversité des systèmes (conventionnel, extensif, bio..) est indispensable pour s’adapter à la diversité des contextes et des demandes (prix, qualités..) et accroître la résilience.
Expérimentations terrain
L’Inrae planche sur le sujet de l’élevage durable depuis plusieurs années, sur les aspects atténuation et adaptation au changement climatique dans les différents objectifs environnementaux fixés par la France et l’Union européenne : Stratégie nationale bas carbone, One Health (Une seule santé…). Ces recherches portent notamment sur la santé et le bien-être animal. « Nous recherchons un vaccin universel contre la virus de la grippe aviaire H5N1 ; nous luttons contre le parasitisme gastro-intestinal par le biais de solutions génétiques et travaillons sur la sélection de poules pour des élevages hors cage qui puissent pondre dans des nids électroniques », a indiqué Claire Rogel-Gaillard, directrice scientifique adjointe Agriculture à l’Inrae.
L’institut s’intéresse aussi à l’empreinte environnementale. A ce titre, il devrait sortir pour la mi-2026, un logiciel de simulation permettant de calculer les aliments pour porcs les plus durables, à destination des fabricants d’aliments et de l’enseignement agricoles.
L’Inrae a planché sur la variabilité génétique du potentiel d’émission de méthane et devrait publier courant 2025, des index pour le choix des taureaux pour l’insémination artificielle. Il mène de nombreuses expérimentations terrain, notamment dans l’Herbipôle du Massif du Sancy, sur une exploitation « 100 % prairies », en ovins et bovins viande, pour « maximiser la productivité et minimiser les charges ». C’est aussi le cas à Bourges où les chercheurs ont associé les ovins aux grandes cultures pour « valoriser la biomasse des cultures intermédiaires et réduire les charges alimentaires », a expliqué Marc benoît, ingénieur de recherche. Les résultats paraissent probants : les ovins de l’Herbipôle ont gagné +17 % de viande, en utilisant -18 % de concentrés et -20 % d’antiparasitaires. Il s’en est suivi un gain pour l’éleveur de +10 % de marge brute par brebis en réduisant de -11 % les GES et de -16 % la facture énergétique. Dans le cas du centre de Bourges, les brebis ont fourni +13 % de viande en réduisant de -65 % la consommation de concentré, de -23 % les émissions de GES et de -30 % la consommation d’énergie par kilo de viande. « On a besoin d’élevage pour la durabilité de l’agriculture », ont conclu les chercheurs, sans donner de définition unique à l’élevage durable.