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La bio vosgienne face au mur

Réunis au Gaec du Pichet, exploitants et représentants syndicaux ont fait entendre leur voix Photo Elisa DUMAS
Réunis au Gaec du Pichet, exploitants et représentants syndicaux ont fait entendre leur voix Photo Elisa DUMAS

Lors de sa tournée du mercredi 2 février, le camion de l’Ermitage a été retardé dans sa collecte par les producteurs laitiers, inquiets. Réunis au GAEC du Pichet, exploitation située à Norroy, exploitants et représentants syndicaux ont fait entendre leur voix.

Les médias locaux ont répondu présents à l’appel lancé par les Jeunes agriculteurs et la FDSEA des Vosges. Dans le cadre de la conférence de presse qu’ils avaient organisée, Frank Perry, 4ème vice-président du conseil départemental, délégué à l’économie, au tourisme, à l’agriculture et à la forêt est venu à leur rencontre. Producteurs et représentants syndicaux ont ainsi pu faire part des problématiques que rencontre la filière biologique.

Une situation symptomatique

Dans les Vosges, 12 producteurs de lait bio sont collectés en conventionnel depuis le mois de janvier. Deux d’entre eux ont déjà été contraints de mettre fin à leur activité, faute à un déséquilibre entre l’offre et la demande. Ainsi, une dizaine de producteurs vosgiens se retrouvent tiraillés entre choix éthique et besoin de rentabilité. «On va droit dans le mur si on continue comme ça» déplore Dominique Sautre, producteur laitier installé à Hareville.  «On a souhaité faire une action qui se voulait symbolique pour alerter nos opérateurs économiques, nos consommateurs et aussi, en cette période pré-électorale, tirer la sonnette d’alarme auprès des élus» explique Philippe Clément. Le cas exceptionnel des laitiers Vosgiens est remarquable en France puisque c’est le seul département où autant de producteurs laitiers bios voient leur production déclassée et collectée en conventionnel. «C’est symptomatique» affirme Thierry Mourot, président de la commission bio de la FRSEA Grand Est, de la FDSEA des Vosges et vice-président de la Chambre d’Agriculture des Vosges. Il poursuit : «on a une douzaine de producteurs de notre département qui se retrouvent face à la réalité du marché et exclu de la production. Mais quand on regarde au niveau national, on a 30 à 35% de la collecte de lait qui est déclassée, c’est énorme.» Avec une production de lait française qui a doublée en à peine cinq ans, ce souci de saturation du marché du lait bio est un enjeu d’ordre national. C’est d’ailleurs aussi le cas, dans une moindre mesure, pour d’autres types de productions biologiques. La viande et les œufs en souffrent déjà et les céréales commencent à être concernées par le problème.

Augmentation des conversions et besoin de structuration

Avec la mise en place d’aides d’accompagnement à la conversion, le nombre d’exploitations biologiques en France a connu une croissance exponentielle sur un très court laps de temps. Dominique Sautre, premier exploitant à avoir franchi le pas de la conversion à la biologique dans les Vosges il y a 42ans affirme : «j’ai toujours considéré la bio comme une niche. Or, cette année, 200 millions de litres de lait bio supplémentaires doivent arriver sur le marché français, déjà engorgé.» Philippe Clément ajoute : «sur le territoire et même en France, les structures biologiques rencontrent une inadéquation entre l’offre et la demande. Or l’agriculture biologique comme l’agriculture conventionnelle, ne peut pas faire fi du marché.» Se pose donc un problème de déséquilibre entre la volonté politique d’augmenter rapidement le nombre de conversions à la bio et l’augmentation du taux de déconversion faute de débouchés. Thierry Mourot, attire l’attention sur le sujet : «notre plus grande crainte aujourd’hui c’est la déconversion. Elle représente à la fois une perte éthique et une perte d’argent public.» Certaines exploitations sont même contraintes de mettre la clé sous la porte et de licencier leurs salariés. En plus des déconversions, c’est aussi toute une jeune génération d’agriculteurs qui est plongée dans l’incertitude. Bien que convaincus des avantages de l’agriculture biologique, leurs projets d’installations se voient parfois contrariés par la réalité du marché.