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60 fermes pilotes, et le renouvellement des générations avant tout

©Bérengère DE BUTLER
©Bérengère DE BUTLER

Mardi 2 mai, a eu lieu la réunion de clôture de la concertation régionale pour construire le Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricole (Ploaa). Objectifs : relever le défi du renouvellement des générations, et se doter d’outils pour réaliser les transitions nécessaires à l’agriculture de demain. 

Suite à l’impulsion du ministère de l’Agriculture, a eu lieu le 17 décembre 2022, une réunion plénière de lancement du Ploaa pour la Région Grand Est. Y étaient conviés l’ensemble des membres de la Commission régionale de l’économie agricole et du monde rural, ainsi que les acteurs de la formation et de l’agroécologie. Pour faire remonter des propositions de mesures opérationnelles, trois groupes de travail ont été créés : orientation et formation ; installation et transmission ; adaptation et transition face au changement climatique. Ces groupes de travail se sont ensuite réunis à deux reprises, et une consultation écrite d’une durée de trois semaines a été lancée. Un travail qui a engendré 210 propositions, qui ont ensuite été analysées par les services de l’État, de la Région et de la Chambre d’agriculture Grand Est (Crage), pour n’en retenir que cinq par thématique, donc quinze au total. Ces quinze propositions ont été présentées le 2 mai, lors d’une session de «clôture», qui avait plutôt des airs de lancement d’un grand projet. Béatrice Moreau, viceprésidente de la Région Grand Est, a qualifié ces propositions de «feuille de route» pour «emmener le monde agricole vers une vision» et «consolider l’agriculture du Grand Est». Plusieurs défis surplombent ces propositions, qui en découlent. Le premier est le renouvellement des générations. C’est pourquoi «les jeunes ont été très présents dans les groupes de travail», souligne Franck Leroy, président de la Région Grand Est. Le second est le maintien du modèle de polyculture-élevage, parce qu’il est dominant dans la Région (une exploitation sur deux), caractéristique du territoire et force motrice de l’économie. «Si ce modèle est prépondérant, c’est qu’il est équilibré pour notre territoire. Notamment parce qu’il permet de valoriser des territoires plus fragiles. Nous devons donc nous donner les moyens pour qu’il perdure», pointe Béatrice Moreau. Maximin Charpentier, président de la Crage, a affirmé sa volonté de «faire vivre» le groupe né du portage du Ploaa, qu’il a proposé de rebaptiser «groupe Agriculture 2030». Il s’agira de «suivre l’actualité de la loi», mais «sans attendre sa promulgation pour agir», et de poursuivre les échanges pour se fixer des objectifs, un calendrier, des moyens. Pour cela, Maximin Charpentier souhaite que les trois groupes de travail se réunissent trois fois par an, et que les filières soient davantage associées aux travaux. Une volonté saluée par Josiane Chevalier, préfète de la Région Grand Est, qui a souhaité qu’audelà des quinze propositions retenues, «la richesse de la méthode de travail» le soit également et que «ce travail se poursuive en parallèle du parcours législatif», notamment en faisant en sorte que l’agriculture trouve «toute sa place dans le dispositif France 2030».

Fermes pilotes

La concrétisation opérationnelle de ces travaux va se traduire par l’identification de soixante fermes pilotes. Un appel à manifestation d’intérêt va être lancé par la Crage, à cette fin. «Début septembre, cinq à six fermes par département devraient ainsi être identifiées», précise Maximin Charpentier. Elles seront accompagnées durant trois ans, en lien avec les filières et les entreprises qui œuvrent dans les nouvelles technologies, pour être diagnostiquées sur leurs performances en matière de carbone, d’eau, d’énergie, et pour identifier les leviers à actionner afin d’améliorer ces performances. Elles devront ensuite servir de modèles à toutes les exploitations du Grand Est. «S’adapter à tous ces défis en même temps, cela revient presque à s’installer une deuxième fois. On va vers l’inconnu, et ça peut faire peur», souligne le président de la Crage. L’idée est donc d’accompagner quelques premiers agriculteurs dans cette prise de risque, pour qu’elle soit plus facile à prendre pour les suivants. Le renouvellement des générations en dépend car, pour qu’une ferme soit transmissible, il faut qu’elle soit compétitive et attractive. Il est également important que ces fermes pilotes soient représentatives de leur territoire, car les bonnes gestions de l’eau, de l’énergie, des déchets et des bioressources passent par des projets de territoire, pointe Maximim Charpentier. Pour lui, l’adaptation des exploitations agricoles passera par celle du système d’attribution des aides de l’État, de la Région. À l’heure actuelle, elles sont généralement liées à un projet, à une acquisition. Demain, elles devraient être davantage fléchées vers des démarches globales d’adaptation.

Formation

La formation, notamment au numérique et aux nouvelles technologies, se situe au cœur de ces enjeux. Il est en effet crucial que les agriculteurs prennent en main ces outils, au risque d’en devenir des victimes consentantes, ou pire, des victimes de la cybercriminalité. Cela passera par l’adaptation de la formation initiale et continue. On pense bien sûr aux Gps, aux applications et autres outils d’aides à la décision. Mais comme le souligne Franc Leroy, il y a aussi des démarches émergentes, comme les crédits carbone, qui requièrent des connaissances nouvelles pour être utilisées à bon escient. Enfin, si l’agriculture peut beaucoup, elle ne fera pas tout. Franck Leroy a évoqué des dossiers transversaux, comme la nécessaire préservation des sols, qui passe par une réduction drastique de leur «artificialisation anarchique». Or, l’objectif «zéro artificialisation nette», qui vise à préserver les sols est encore perçu comme un obstacle et un frein au développement économique.