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Agrinovo : une enquête sur les nouveaux agriculteurs

© Photo sous licence CC
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La Chaire mutations agricoles de l’Ecole supérieure des agricultures d’Angers vient de réaliser une enquête sur les profils d’agriculteurs nouvellement installés. Une étude inédite à ce jour, qui permet de définir cinq profils de nouveaux agriculteurs, et ainsi de mieux les accompagner.

« Dans ce contexte de crise de la transmission, il fallait dépasser les oppositions classiques entre ‘‘ issu du milieu agricole’’ et ‘‘ non issu du milieu agricole’’, entre bio et conventionnels », ont rappelé Caroline Mazaud, Caroline Leroux et Antoine Dain, les auteurs de l’étude. « L’essai est réussi puisque l’étude fournit des enseignements qualitatifs sur les profils des nouveaux installés sans jamais perdre de vue un critère important, leur relation, éloignée ou proche avec le monde agricole, pendant leurs années d’apprentissage mais aussi leur formation et leurs ressources culturelles ». A partir de ces données les chercheurs ont mis en évidence cinq profils de nouveaux agriculteurs

Les héritiers bien préparés 

C’est le groupe le plus important. Ils représentent encore 34 % des sondés. Issus de familles d’agriculteurs qui souhaitent transmettre un héritage, ils ont acquis une expérience agricole dès le plus jeune âge et sont programmés pour reprendre l’exploitation. Ils ont au moins un Bac ou un BTS agricole. Ce sont des hommes jeunes, et les deux tiers vont s’installer avant l’âge de trente ans, la moitié avant vingt-cinq ans. Leur apprentissage a commencé tôt, dans le cercle familial mais aussi sur d’autres exploitations et au travers de stages et d’emplois salariés. La majorité reprend l’exploitation familiale et 15 % créent leur propre structure. Pour Caroline Mazaud, enseignante-chercheuse et coordonnatrice de l’étude, ce groupe est « le pilier structurant du monde agricole français ». C’est parmi ces héritiers bien préparés en effet que l’on va trouver les futurs responsables professionnels engagés dans le monde coopératif ou syndical. 

Les héritiers sans vocation 

Ils représentent 22 % de l’échantillon étudié. Ce sont des enfants d’agriculteurs mais ils ne se destinaient pas à reprendre la ferme. Les études et les expériences professionnelles les ont entraîné vers d’autres secteurs. Ils n’ont pas suivi d’études agricoles, ni même de stages sur l’exploitation, tout juste un coup de main de temps en temps. Ils ont entamé une activité en dehors de l’agriculture et y sont revenus. Ce sont des femmes pour 60 % de ce groupe. Elles finissent par s’installer tardivement par le biais de leur conjoint. 

Les classes populaires hors cadre 

Les classes populaires représentent 16 % des personnes interrogées. Elles ne sont pas issues d’une famille d’exploitants mais connaissent des agriculteurs dans leur cercle élargi. Leurs représentants s’installent sur une ferme extérieure à leur famille. « C’est la surprise de l’étude », note Antoine Dain, enseignant-chercheur. Ce sont des enfants d’ouvriers ou d’employés, de faible niveau d’éducation, avec quelques expériences professionnelles dans l’agriculture. Ils vivent à la campagne et ont donc toujours eu un lien géographique, amical, avec des agriculteurs. L’installation est pour eux l’occasion de valoriser le travail manuel et d’accéder à l’indépendance. Elle repose sur une courte formation agricole. C’est aussi une ascension sociale. 

Les reconvertis des classes moyennes 

Ils comptent pour 20 % du groupe étudié. Ces reconvertis n’ont pas de racines familiales agricoles ni même d’ancrage dans le monde rural. D’origine urbaine, issus des classes moyennes, ils vont exercer plusieurs métiers avant de se tourner vers l’agriculture et s’installer à un âge avancé, au-delà de quarante ans, en trouvant une exploitation et des terres via des agences immobilières. Les deux tiers vont se lancer dans le bio et le maraîchage, dans des circuits alternatifs et ils ne s’impliquent pas dans le syndicalisme. 

Les reconvertis des classes supérieures 

Ils représentent à peine 10 % de l’échantillon. Ils viennent de milieux urbains et de catégories socio-professionnelles supérieures, ayant bénéficié d’une bonne formation puisque 85 % d’entre eux ont un diplôme bac+5. Avant de s’installer, ils ont travaillé comme cadre ou à un poste intellectuellement élevé. A côté de ceux ayant des origines urbaines, on trouve aussi une proportion significative de jeunes issus de familles agricoles. Ainsi, après une première carrière éloignée de leurs origines, ils reviennent vers la profession de leurs parents qu’ils n’avaient pas choisie au départ. Très qualifiés, ils ne sont qu’un tiers à avoir suivi des études agricoles et plus de la moitié d’entre eux sont des hommes.  

Une diversité de parcours 

Romain Fontaine, responsable hommes et entreprises à Chambres d’agriculture France, reconnait que ces données sont précieuses pour accompagner ces porteurs de projets au moment où 100 000 agriculteurs vont quitter le métier et seront remplacés dans les dix prochaines années. « Notre souci est d’éviter un échec cinq ans après l’installation », a-t-il insisté.

 

Aller plus loin :

> Découvrir la vidéo de présentation des premiers résultats de l'étude sur le site de l'ESA