A Benoite-Vaux (Meuse) s'est récemment déroulé une rencontre nationale autour de l’agriculture de conservation en bio. Si l’arrêt complet du travail du sol reste utopique en agriculture biologique, les agriculteurs explorent toutefois des pistes pour le réduire.
L’agriculture bio de conservation, cela ne fonctionne pas. C’est le dur constat qu’ont fait et entendu les participants des rencontres nationales de l’ABC (agriculture bio de conservation), qui se sont déroulées les 25 et 26 janvier à Benoite-Vaux. Toutefois, ce n’est pas parce qu'« aujourd’hui, si tu ne travailles pas le sol en bio, c’est un aller-retour au pays de la déception », estime Sébastien Angers, agriculteur québécois, qu’il ne faut pas réfléchir, tester, expérimenter afin de réussir, petit à petit, à moins travailler les sols.
Alors, pendant deux jours, c’est ce qu’ont fait les deux cents participants de ces rencontres. Le premier jour était consacré à des conférences et des retours d’expérience. Forts de ces enseignements, le lendemain, les agriculteurs se sont rassemblés en groupes de cinq ou six, et ont travaillé sur des problématiques concrètes qu’ils rencontrent sur leur ferme. L’objectif : repartir avec des pistes de solutions à expérimenter, et dont les résultats pourront être partagé à leur tour. « Nous construisons l’avion en volant », image Sébastien Angers.
Abandonner la bio
Lui a décidé d’abandonner la bio, après plusieurs années à essayer de conjuguer non-travail du sol et agriculture biologique. Lorsqu’il s’est installé, la ferme était déjà bio et « nous avions de gros problèmes d’adventices : ambroisie, moutarde, chardon…, confesse-t-il. J’ai essayé la culture sur billon, avec du binage, des couverts. J’y passais du temps, mais je n’ai jamais eu une année financière positive ». Alors, il rencontre de nombreux agriculteurs installés au Canada et aux Etats-Unis, qui combinent peu de travail du sol et peu d’herbicide. Le dénominateur commun de ces agriculteurs : ils cultivent une grande diversité de plantes, environ vingt-cinq espèces sur un cycle de sept ans, en comptant les couverts. « Six ou sept espèces sont des cultures de rente, les autres jouent des services écosystémiques », explique Sébastien Angers. Et les espèces qui se succèdent sont de différents types : crucifères, légumineuses, plantes en C3 ou en C4.
Parmi les essais du québécois : la culture de citrouille pour commercialiser des graines de courges bio, made in Québec. Il implante un couvert de seigle, pour le rouler et réaliser un paillage pour la courge. « Nous avons aussi apporté des fientes de poule à l’implantation de la citrouille », détaille-t-il. Mais finalement, « il y avait de la citrouille, mais elle n’était pas toute seule », déplore Sébastien Angers en montrant une photo du champs envahit par la moutarde. La production de graine de courge est faible, et « il faudrait faire payer un prix au consommateur qu’il n’est pas prêt à mettre ». Alors, Sébastien Angers décide d’abandonner sa certification bio et de se plonger dans l’agriculture régénératrice. « J’ai besoin de souplesse », explique celui qui souhaite aussi payer ses factures, et sortir de l’endettement dans lequel il est depuis plusieurs années.
Si le constat peut sembler amer, l’homme lui ne l’est pas. Il a fait ce choix selon ses aspirations, ne plus travailler le sol, et ses besoins du moment, dégager des revenus. Il raconte et partage son parcours afin de donner des pistes de réflexion aux agriculteurs présents aux rencontres de l’ABC.