La gestion des fourrages n’est pas un enjeu majeur réservé à la filière bovine. Avec ses 80.000 équidés et ses 70.000 ha valorisés en Grand Est, la filière équine souffre également du changement climatique.
Une phase de recensement a mis en avant des difficultés de production, de valorisation, d’approvisionnement du fourrage, ainsi qu’un coût élevé en période de pénurie. Suite à ces constats, un travail de co-construction de solutions s’est tenu en rassemblant une quarantaine de professionnels de la filière équine afin de cibler les innovations à développer. En effet, comme dans le projet européen Super-G (durabilité des prairies permanentes), il est paru essentiel que les solutions viennent des professionnels, pour les professionnels.
Les axes de travaux retenus sont de valoriser l’herbe comme elle se présente, d’adapter les surfaces au changement climatique, et de trouver des alternatives aux fourrages et/ou concentrés classiques manquants.
Pâturage tournant
Trois écuries témoins ont été retenues, en décembre dernier, afin d’améliorer leur résilience face au changement climatique, grâce aux innovations imaginées collectivement. À la SCEA des Oxalides, située à Forcelles-Saint-Gorgon (54), élevage, pension et enseignement se côtoient. Pourtant autonome en fourrages, cette exploitation certifiée bio aimerait faire évoluer son système. La luzerne est aujourd’hui une bonne tête de rotation en bio mais ne convient pas à tous les chevaux (trop riche) et ne peut pas être facilement distribuée. Le premier axe sera de tester différents mélanges de graminées et légumineuses qui conviennent à la fois aux besoins de l’ensemble des chevaux, et à une rotation en bio.
Deuxième axe de travail : la gestion des chevaux en embonpoint. Sujet redondant dans beaucoup d’écuries, le défi sera ici de valoriser l’herbe au mieux, tout en garantissant un état corporel satisfaisant du troupeau à faible besoin alimentaire. Comment faire alors qu’une bonne valorisation de l’herbe rime avec haute valeur alimentaire, et donc trop riche pour les équins ? L’innovation va consister à faire pâturer ce lot en pâturage tournant mais à des stades de l’herbe très avancés. Cela reviendra, quasiment, à faire pâturer du stock d’herbe sur pied non exploité au printemps… en tournant !
Période hivernale
La Ferme du Sonvaux, à les Éparges (55) accueille une ferme pédagogique en plus de son activité d’enseignement et de pension. Le centre équestre ne permet pas de dégager assez de surfaces et de temps en juin pour faire ses propres foins et, est donc dépendant de l’achat extérieur. Le premier axe de travail sera de valoriser au mieux le parcellaire existant en pâture afin de recourir à la complémentation en foin en dernier recours. Un lot de chevaux va tester le pâturage tournant et expérimenter les questions spécifiques aux équins : respect des clôtures, praticité au quotidien, temps de travail, comportement du troupeau, économie de fourrage…
Le second axe de travail concerne la période hivernale, où les sols sont rapidement piétinés et peu portants. Le défi sera de stabiliser une surface grâce au bois récupéré lors de l’entretien des haies plantées, il y a quelques années, et améliorer la résilience de cette parcelle pour le reste de l’année.
Troisième écurie témoin, l’EARL de la Draille à Hadol (88). Équipiste, agroforesterie, gestion des chevaux à pathologie… les sujets d’étude se précisent et seront à découvrir au cours de la campagne. Sur les deux années à venir, vous retrouverez, en portes ouvertes et sur les réseaux sociaux, les réussites et les apprentissages liées à ces essais au travers d’indicateurs comme : les notes d’état corporel avant et après pâturage, le bilan fourrager, observation des problèmes de santé, comportement au pâturage, évolution de la flore des paddocks, temps de travail…