Installé à La Bresse au GAEC d’entre les gouttes où il est associé à sa compagne Lucie Weyer, Jean-Yves Poirot est aussi président de la section ovine de la FDSEA 88 et du syndicat ovin des Vosges.
Fin mars, la cotation française pour le prix moyen pondéré entrée abattoir était fixée à 8,42 €/kg contre 7,67 €/kg en 2022. Malgré cette augmentation et la hausse généralisée du prix sur la campagne 2022 / 2023, la FNO signalait dans un communiqué que « les estimations de revenu pour l’année 2022 sont globalement en forte baisse, entre 15 et 45 % selon les systèmes » et les charges des élevages ne diminuent toujours pas en 2023.
Pouvez-vous présenter votre exploitation ?
Jean-Yves Poirot : « Nous sommes sur une exploitation ovine, bovine et équine avec 350 brebis au total : 280 brebis viande et 70 brebis laitières. Nous exploitons 145 ha sur trois communes. Je suis installé depuis 2003 et en GAEC depuis 2016 avec ma compagne Lucie qui s’occupe des brebis laitières et transforme en yaourts et fromages la totalité du lait produit. Ces produits sont majoritairement vendus en direct sur l’exploitation, une petite partie est livrée à des restaurateurs et quelques revendeurs. Pour les agneaux, nous en vendons un peu en vente directe mais le principal débouché de l’atelier brebis viande est destiné à approvisionner des Super U locaux par le biais d’une association de producteurs.
Dans quel contexte se trouve la filière ovine Française ?
J-Y P : L’élevage français ne produit que 40% des produits ovins consommés en France. Comme nous sommes minoritaires, nous tenons souvent le rôle de variable d’ajustement dans les accords internationaux comme ceux passés avec la Nouvelle-Zélande et, dernièrement, avec l’Amérique du Sud. Nous, éleveurs ovins, nous sommes dans l’incompréhension face à de telles décisions à une époque le sujet de la souveraineté alimentaire n’a jamais été aussi évoqué.
Pour le loup, la pression est moins conséquente qu’en 2011 mais les attaques sont toujours là. Elles sont aussi de plus en plus difficiles à faire reconnaître. Il y a l’attaque classique où l’animal est pris au cou mais ce n’est pas tout. Ce qui est problématique c’est que tous les éléments ne sont pas pris en compte. A l’automne dernier par exemple, nous avons eu une attaque sur notre troupeau. Ont suivi 7 avortements mais l’attaque n’a pas été reconnue. Ceux qui défendent le loup, eux, ne sont pas impactés financièrement à la fin du mois. Nous, nous le sommes deux fois : même dans les cas où l’attaque est reconnue, nous ne sommes pas dédommagés à 100% et pour les systèmes de protection qui sont mis en place, 20% des frais restent à notre charge. En plus du coût, c’est aussi du temps de travail et de surveillance supplémentaire et une charge psychologique : nous pouvons essayer de nous préparer autant que possible nous sommes impuissants quand cela nous tombe dessus.
Au dernier plan loup, il a été décidé que pour les animaux clôturés, nous n’aurions droit qu’à 3 jours d’aide berger par semaine mais cela ne couvre pas du tout le temps nécessaire à l’installation et l’entretien des clôtures. Une fois de plus, tout ce temps d’installation de moyens de protection contre le loup est à notre charge.
C’est aussi difficile de pérenniser un emploi salarié sur les exploitations quand nous sommes dans l’obligation de faire des contrats dédiés au loup à chaque période estivale ».