Mieux connaître les odeurs émanant des unités de méthanisation et objectiver le désagrément pour les riverains, c’est l’objectif du projet Aqametha. Outre des mesures d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène réalisées via des capteurs, des profils de notes olfactives, d’intensité, et de distance de perception sont dressés par des ingénieurs formés au Langage des Nez®.
Les 28 et 29 juin derniers, à Coussey (Vosges), on pouvait apercevoir trois personnes, debout le nez au vent, dans les rues du village et sur le site de l’unité de méthanisation G3 Environnement. Ce n’étaient toutefois pas des badauds, et si leur nez suivait le vent, c’était pour une raison bien particulière.
Ève Chrétien, Éric Herber et Emmanuel Jantzem travaillent pour Atmo Grand Est, l’association de surveillance de qualité de l’air, agréée par le ministère de l’Environnement, et ils sont formés au Langage des Nez. À Coussey, ils établissaient le profil olfactif de l’unité de méthanisation G3 Environnement, dans le cadre du projet Aqametha (1). «Ce projet rassemble six associations de qualité de l’air en France, ainsi qu’Atmo France, et Osmanthe, le bureau d’études qui nous forme au Langage des Nez», explique Ève Chrétien. L’objectif d’Aqametha : mieux connaître les odeurs émanant des unités de méthanisation, et évaluer leur persistance en périphérie de l’unité. «Nous cherchons à objectiver le désagrément pour les riverains», indique Ève Chrétien. Pour dresser le profil olfactif de l’unité, les trois nez se postent à quinze endroits bien précis, les mêmes pour les douze méthaniseurs étudiés dans le projet, afin d’obtenir des données homogènes. Que ce soit sur la zone des intrants, de la trémie, du digesteur, les ingénieurs d’Atmo recensent toutes les odeurs qu’ils perçoivent sur l’unité de méthanisation. Ils en notent également l’intensité. «Nous restons entre trois et quatre minutes à chaque endroit, pour bien appréhender toutes les notes odorantes, car elles sont souvent mélangées. Certaines peuvent prendre le dessus, et on ne percevra les autres qu’ensuite, lorsque la première aura saturé le nez», explique Ève Chrétien. Les trois ingénieurs notent leurs perceptions chacun de leur côté, puis en discutent. «Pour dresser un profil olfactif, il est nécessaire d’être au moins deux, pour s’assurer de la fiabilité de nos perceptions», ajoute-t-elle.
Deuxième semestre 2024
Une fois le profil de l’unité dressé, les ingénieurs cherchent à savoir jusqu’à quelle distance les odeurs pourraient être perçues. «Lorsqu’il y a du vent, nous suivons sa direction, mais aujourd’hui, il n’y en a pas, alors nous allons partir dans les quatre directions, explique Éric Herber. Nous nous placerons en limite de propriété, puis nous marcherons et nous établirons des points d’étape tous les 100 ou 200 mètres, afin d’estimer si nous percevons encore des odeurs caractéristiques de l’unité». Les trois nez reviendront à l’automne, pour établir un nouveau profil, sous un climat différent, afin d’enrichir la base de données. Leurs notations sont également complétées par des mesures d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène. Des capteurs sont positionnés au niveau de l’unité mais également à plusieurs points dans le village. Les résultats du projet seront disponibles pour le grand public au deuxième semestre 2024. En attendant, lors de chaque tournée olfactive, les ingénieurs présentent un compte rendu à l’agriculteur méthaniseur qui les reçoit. Pour G3 Environnement, Silvère Adam, l’un des associés, se dit très curieux des résultats. «Nous avons intégré le projet car Atmo cherchait des unités proches de villages, afin d’évaluer les nuisances pour les riverains. Quand nous avons monté notre unité, il était encore possible de construire à cinquante mètres des habitations. Même si nous n’avons pas vraiment de problèmes de voisinage, il est certain que dès qu’il y a une odeur dans le village, pour tout le monde, elle vient de la méthanisation, confie-t-il. Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. Je me souviens d’un jour où un voisin avait épandu du fumier de lapin, mon téléphone a sonné toute la journée, les gens me demandaient s’il y avait un problème avec l’unité. Je suis donc curieux de savoir comment les odeurs sont perçues par des nez. Cela nous permettra de disposer de connaissances tangibles à exposer aux riverains», ajoute celui qui est aussi trésorier de l’Aamf (Association des agriculteurs méthaniseurs de France).
(1) Le projet Aqametha est développé dans le cadre des appels à projet 2020 : «Comment préparer aujourd’hui la qualité de l’air de demain» associé au programme de recherche Aqacia (Amélioration de la qualité de l’air : Comprendre, Innover, Agir) financé par l’Ademe. Grdf cofinance également ce projet.