MFR Hadol : La faim de vie de mamie

En ce début d’année, les élèves de la MFR d’Hadol vous propose de découvrir un spectacle inédit : La faim de vie de mamie.

Cela fait maintenant 10 ans qu’élèves et personnes âgées se réunissent sur scène dans le cadre d’un spectacle intergénérationnel. Entre théâtre, chant et danse, chacun apporte sa pierre à l’édifice pour créer un spectacle unique et haut en couleur.

Affiche du spectacle 2025 - MFR Hadol

10 ans de partage

C’est dans la tête de Monsieur Picard, maître de stage et directeur des EHPAD de Xertigny et La Vôge-les-Bains que l’idée a germé. «Il nous a contacté car il avait retrouvé des cartes postales de son grand-père. Ce dernier avait été prisonnier de guerre en Allemagne durant la 1^ère Guerre Mondiale.» explique Juliette Souvay, formatrice à la MFR d’Hadol. Pour donner vie à ces échanges, l’équipe de formateurs accompagnée des élèves, a décidé d’en faire un spectacle. C’est ainsi que l’aventure débutait en 2014.

Depuis, la recette est restée la même : à partir d’un thème, les élèves et les résidents imaginent des tableaux théâtraux à travers lesquels ils donnent corps à l’histoire qu’ils ont eux-mêmes imaginé. En 10 ans, le projet de spectacle a su fédérer autour de lui de nombreux partenaires. Le Conseil départemental des Vosges contribue notamment en mettant à disposition le matériel scénique. «Nous avons eu des ambitions fortes dès la première année.» explique Juliette Souvay. «Nous nous sommes entourés de professionnels dès le début et, quand nous le présentons aux élèves, nous leur rappelons le sérieux de ce projet. D’année en année le spectacle prend de l’ampleur.» affirme la formatrice. Pour donner vie à leur histoire, élèves et personnes âgées doivent créer de A à Z un spectacle tout en développant de nouvelles compétences. En effet, pour les jeunes notamment, c’est un exercice exigeant. A travers ce spectacle ils découvrent le travail des techniques théâtrales : porter sa voix et s’exprimer à travers sa posture sont des capacités qui se développent avec rigueur. Pour cela ils sont accompagnés par Louise Fetet. Artiste et comédienne à la Compagnie des Jolies Mômes, pour ce projet, elle endosse le rôle de metteuse en scène et forme jeunes et moins jeunes à l’expression artistique. «Comme ils n’ont jamais fait de spectacle vivant, nous partons de leurs idées, de leurs mots et de leurs improvisations pour écrire un spectacle qui leur ressemble. Ce travail de création sert aussi à leur donner la parole. Ils y mettent un peu de leur parcours et de ce qui naît de leur rencontre.» explique-t-elle. 

Co-création entre générations

Si l’équipe de la compagnie arrive avec un thème de base, c’est donc ensuite aux jeunes et aux résidents de proposer leurs idées. 

Tout commence avec une phase d’écriture à quatre mains. Pour cela, apprenants et résidents partagent leurs idées avant de les coucher sur le papier pour former des scénettes. «Nous sommes vraiment dans l’intergénérationnel. C’est un travail collaboratif d’égal à égal.» souligne Juliette Souvay. «L’idée c’est d’utiliser des âges différents pour créer quelque chose qui a plusieurs couleurs.» ajoute-t-elle. 

Les étapes de création se succèdent ainsi : choix du thème et atelier d’écriture ont lieu au cours du 3e trimestre de la classe de première. «L’enjeu est de fabriquer de la matière sans encore raconter une histoire» explique Juliette Souvay. Suivent ensuite les ateliers. Ils reposent sur trois mediums : théâtre, danse et chant. Chacun choisi son mode d’expression d’autant que «les personnes âgées fatiguent rapidement, nous faisons donc aussi en fonction de leur potentiel.» Chaque atelier est encadré par un professionnel. Louise Fetet, directrice artistique de la Compagnie des Joli(e)s mômes, elle s’occupe de l’atelier théâtre. Le groupe danse quant à lui, est confié à l’éducateur sportif des deux EHPAD et M. Picard. Enfin, l’atelier chant est conduit par l’ancien musicothérapeute de l’EHPAD, aujourd’hui membre de la Cie des Joli(e)s Mômes : Monsieur Guérin Philippe. Une fois les ateliers terminés, c’est Louise Fetet assemble tous les éléments issus des ateliers en une histoire et met en scène le spectacle.

Cette année, le thème était : «la faim de vie de mamie» et le spectacle met en scène l’histoire de résidents qui se sont enfuis de l’EHPAD pour découvrir le monde. Des stagiaires partent à leur recherche.

Créer du lien

Tout le monde se concentre lors des répétitions générales pour donner le meilleur lors des représentations. © Photo Marion Falibois

«Aujourd’hui le public en EHPAD est très éloigné de nos élèves. Bien qu’ils soient en Bac pro Service à la personne et au territoire (SAPAT), nous remarquons qu’ils sont de plus en plus déconnectés de la vieillesse.» constate la formatrice. Ce public, inconnu pour beaucoup de jeunes, peut parfois donner lieu à de l’appréhension. Mais le cadre posé par le spectacle permet de dépasser le fossé générationnel. Cela a été le cas pour Florine Germain : «je n’avais jamais travaillé auprès de personnes âgées, le théâtre a été l’opportunité pour moi de découvrir un nouveau public.» Et, même pour ceux qui connaissent déjà ce public, la rencontre est enrichissante. «Pendant de nos stages nous vouvoyons les résidents alors qu’ici, tout le monde se tutoie. L’ambiance est amicale et conviviale, nous sommes plus proches.» témoigne Marika Doussaint. Un point sur lequel la rejoint sa camarade Léa Aubert : «j’ai déjà fait des stages en EPHAD mais, grâce au projet, nous avons une relation différente avec les personnes âgées. Nous apprenons à bien les connaître et nous avons plus d’affinités.» Ce projet artistique est donc avant tout une expérience humaine. Il permet aux élèves comme aux spectateurs de dépasser les idées préconçues qu’ils peuvent avoir de la vieillesse. 

«C’est un projet qui rentre tout à fait dans le référentiel du Bac pro SAPAT puisqu’il permet de rencontrer un public.» explique Juliette Souvay. Effectivement, le projet est complet, car il réunit le français, la découverte du territoire et fait appel à des compétences psychosociales telles qu’aller vers l’autre, l’écouter, échanger avec la différence ou encore parler devant un public. «Je trouve qu’un spectacle tel que celui que l’on conduit illustre parfaitement ce qu’est la pédagogie de l’alternance ; c’est-à-dire  : apprendre différemment et, en l’occurrence, au travers de medium artistique.» complète la formatrice. 

Cela fait donc une dizaine d’années que le spectacle est pleinement intégré dans le programme du Bac Pro SAPAT. Tout au long de leur cursus les élèves y consacrent entre 80h et 100h. Mais ce spectacle est aussi une opportunité pour les personnes âgées. «C’est un rendez-vous très attendu» explique la formatrice. «D’une année sur l’autre, les résidents attendent la préparation du spectacle avec impatience. Ils adorent travailler avec les jeunes.» constate-t-elle. Au total cette année, une vingtaine de personnes âgées partagent cette aventure auprès de 17 jeunes de Bac pro SAPAT. Si vous souhaitez découvrir leur création inédite, il est encore temps de la découvrir lors de l’ultime représentation de cette année. Rires et émotions garanties !