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Vols de bois et saccages de forêts en hausse

Illustration bois en foret ©Photo DR
Illustration bois en foret ©Photo DR

La Fédération des syndicats de forestiers privés (Fransylva) a lancé, le 8 avril, un cri d’alarme sur la recrudescence des vols de bois en forêts. Elle met en place un plan national de lutte contre le vol de bois.

Le film présenté par les représentants des forestiers privés à l’occasion d’une rencontre avec la presse est édifiant. Une quinzaine d’hectares de forêt saccagée. « La coupe sauvage a littéralement arraché le peuplement laissant sur place des sols retournés et un enchevêtrement de branchages » déclare Didier Daclin, président de Fransylva Moselle, le département où s’est déroulé cette rapine. « Les coupes ont été faites en dépit du bon sens poursuit-il, sans tenir compte des peuplements à venir, de la régénération. C’est une agression sur la biodiversité, tout l’écosystème est dévasté. » Depuis quelques années, en parallèle à la flambée du prix du chêne qui a pris 50 % en dix ans, les vols de bois sur pied se multiplient dans les forêts privées. En Moselle, depuis 2017 quarante propriétaires en ont été victimes, mais l’Aube, la Meuse et la Haute-Marne ont aussi été touchées de même que la région pyrénéenne. Curieusement l’ONF et les grandes surfaces de forêt privées ne sont pas concernées car suffisamment surveillées. L’escroquerie cible les petits propriétaires, ces deux millions de personnes dont le patrimoine forestier n’excède pas un hectare. Même pris la main dans le sac les voleurs pourront prétendre être en règle et les victimes, souvent des personnes âgées, n’oseront pas porter plainte. 

Escroquerie en bande organisée 

Didier Daclin explique la manière de procéder des « malfaisants » comme il les qualifie. Rencontrer un petit propriétaire et insister lourdement pour acheter son bois afin d'obtenir un droit d’exploitation, c’est-à-dire de procéder à des coupes sur sa parcelle. Une fois ce droit obtenu, les « malfaisants », qui agissent en bandes organisées, peuvent agir à leur guise, personne n’ira leur demander ce qu’ils font. Ils peuvent ainsi arracher les arbres sur les parcelles voisines, dépasser les limites et couper tout ce que bon leur semble. « Mais même si la forêt est massacrée il s’agit quand même de travail de ‘‘professionnels’’, qui mobilisent des bûcherons et des tracteurs » avance Didier Daclin.  

Le plan national de lutte préconisé par Fransylva demande aux chasseurs, aux agriculteurs, aux maires des communes, d’ouvrir les yeux et d’être plus vigilants devant les chantiers forestiers. Il demande qu’une autorisation soit nécessaire pour une coupe d’un hectare au lieu de quatre jusqu’à présent. Il conseille aux mairies d’être plus méfiants face à ceux qui veulent à tout prix connaître les propriétaires des parcelles forestières pour leur extirper une autorisation de coupes. Les victimes sont souvent des personnes âgées, peu enclines à porter plainte, d’où l’absence de données précises sur ce phénomène. « Pour elles, le préjudice n’est pas seulement le vol d’argent mais la honte de n’avoir pas su préserver ce patrimoine. En volant ces arbres ce sont les racines d’une famille que l’on arrache », déplore Antoine d’Amécourt, le président de Fransylva. 

Numéro d’urgence

Fransylva entend, à travers ce plan, accompagner les propriétaires victimes, les aider à porter plainte et démanteler ces réseaux même si aujourd’hui rien n’indique qu’il s’agisse d’un trafic international. Elle a mis en place un numéro d’urgence : 01 47 20 90 58. Le tribunal correctionnel de Thionville a condamné en janvier 2023 à deux ans de prison ferme, dont un avec sursis, un ex-forestier pour la coupe et la revente de bois qui ne lui appartenait pas. Le préjudice pour les quarante propriétaires est estimé à cinq cent mille euros. Le prévenu identifiait les propriétaires qui étaient décédés ou habitaient loin de leur propriété. Le jugement doit passer en appel en juin prochain. Un hectare de chêne peut se négocier quinze à vingt mille euros et la filière pense que ces bois finissent souvent dans des containers en partance pour l’étranger.