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Une ressource en eau mieux comptée

© iStock-DEBOVE SOPHIE
© iStock-DEBOVE SOPHIE

L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a récemment rendu publique une étude dans laquelle il a modélisé la ressource en eau jusqu’en 2100. Explore2 (tel est son nom) s’inscrit dans la suite d’Explore 2070 pour mettre à jour les connaissances et données pour réaliser des projections*.

Certes le stockage de l’eau n’est « pas un sujet tabou mais ce n’est pas non plus un prérequis pour réfléchir à une meilleure gestion de l’eau », a indiqué lors d’une conférence de presse fin juin, Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement de l’INRAE. D’ailleurs, le stockage reste « une des solutions possibles mais il reste à savoir sous quelles conditions et sous quels usages », a précisé Eric Sauquet, hydrologue dans ce même institut de recherche. Bien qu’ils aient un peu éludé la question, les deux scientifiques ont surtout insisté que l’étude qu’ils ont réalisée avec Sonia Siauve du Projet LIFE Eau&Climat et une quarantaine d’autres de leurs collègues, portait plus sur la modélisation de la ressource en eau que sur les usages que l’on pouvait en faire. Et ceci quand bien même les acteurs locaux pourront s’appuyer sur cette étude pour… redéfinir les usages, au gré des conditions climatiques assez extrêmes ces dernières années, entre grande sécheresse en 2022 et pluies excessives cette année. 

Évapotranspiration 

Concrètement, les scientifiques se sont appuyés sur un maillage de 4 000 points de simulation répartis sur l’ensemble du territoire français, avec un maillage d’environ 64 km2. Dans les simulations précédentes, il n’y avait que 1 500 points. Cette précision permet d’obtenir de meilleures informations et d’écrire plusieurs scénarios possibles (appelés « narratifs ») et de se projeter à la fin du siècle. L’hypothèse de base part sur un réchauffement climatique à +4°C d’ici 2100 avec une hausse moyenne des températures plus marquée en période estivale et dans le sud-est du pays. Ce qui est conforme aux chiffres du Plan national d’adaptation au réchauffement climatique qui aurait dû être publié mais qui a pris du retard. Côté pluviométrie, les intermittences des dernières années rythmées par des séquences de sécheresse et d’excès de pluie « devraient se succéder », a estimé Eric Sauquet. Les scientifiques tablent sur une diminution des pluies pendant l’été, notamment dans le Sud-Ouest, et ce, quel que soit le scénario. « L’évapotranspiration devrait en outre croître de 25 % d’ici 2100 sur l’ensemble du territoire », a-t-il ajouté. Un phénomène qui pourrait aggraver la sécheresse des sols. Sauf peut-être dans une partie Nord de la France, sur une ligne Lille-Mulhouse qui pourrait connaître une hausse des précipitations. « Car la France est à la frange entre le Nord et le Sud avec un nord plus pluvieux et un Sud plus sec », a observé Eric Sauquet. 

Agriculture : la solution 

Toujours selon cette étude, il faut s’attendre à une baisse des volumes d’eau de -30 %, dans le scénario le plus pessimiste, avec des différences selon les zones concernées : - 50 % dans le Sud-Ouest et les Alpes, - 40 % en Méditerranée. La Bretagne pourrait aussi connaître des sécheresses hydrogéologiques et la région PACA voir ses nappes phréatiques se recharger moins vite et moins bien d’ici la fin du siècle. De telles perspectives rappellent que l’agriculture est la première victime du changement climatique mais qu’elle est aussi une des solutions les plus vertueuses. Le panel de ces dernières est connu : retenues, barrages, adaptation des espèces végétales grâce aux nouvelles techniques génomiques (NBT/NGT) « mais aussi rétention d’eau dans les sols », a précisé Sonia Siauve. Elle sous-entendait ici l’agriculture de conservation des sols qui permet un meilleur stockage de l’eau dans des conditions naturelles. 

* Une projection s’effectue sur plusieurs années et même au-delà, alors que les prédictions météorologiques s'intéressent à ce qui devrait se produire à court terme (quelques jours). 

Aller plus loin :

> Consulter le dossier paru dans la revue Ressources#2 : "L'agriculture va-t-elle manquer d'eau ?"