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Attirer et fidéliser les éleveuses laitières

©Photo iStock-deimagine
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Le Centre national interprofessionnel d’économie laitière (CNIEL) a organisé début septembre à Paris, ses quatrièmes rencontres autour du thème de la « féminisation des métiers de la filière laitière ». Les freins à lever sont encore nombreux mais les agricultrices sont prêtes à relever le défi. 

En somme, les hommes auraient tout à gagner à laisser un peu plus de place aux femmes, en agriculture et aussi dans l’élevage. Telle pourrait être la synthèse des débats qui ont animé les 4e rencontres du CNIEL « Les agricultrices, notamment laitières, sont motrices dans le travail au quotidien et participent au renouvellement du métier d’éleveur », indique James Hogge, chef de projet « Femmes en élevage » à l’Institut de l’élevage (Idele), citant les améliorations techniques en machinisme agricole « qui profitent aussi aux hommes ». C’est sur son initiative que l’exploitation d’Isabelle Petitpas est ainsi passée à la monotraite « d’abord le dimanche, pour se dégager un peu de temps pour soi, puis l’hiver et enfin l’été, notamment en raison du changement climatique qui a pensé sur les herbages et réduit la quantité de fourrages », temoigne-t-elle. « Nous avons pu concilier efficacité economique et transition agroécologique », précise-t-elle. C’est pourquoi, investir sur la mixité dans les exploitations peut s’avérer un « stratégie gagnant-gagnante », renchérit Pierre-Yves Ginet, ancien reporter et consultant en égalité et mixité professionnelle. Il insiste sur le terme « gagnant-gagnante », ajoutant que si les hommes peuvent y perdre en pouvoir, au bout du compte, ça peut représenter « 20 % de performance en plus ».

« Les rendre visibles »

Toute la question est d’ailleurs de savoir si les femmes doivent simplement se contenter de remplacer les actifs partis à la retraite ou si elles doivent « aller plus loin dans le changement ». La réponse est bien entendu la seconde mais il reste du chemin à parcourir. Tout d’abord parce que les hommes les cantonnent bien trop souvent à leur féminité et à un rôle supposé moindre. C’est ce que l’on pourrait appeler le syndrome du « Il est où le patron ? ». « Combien de fois ai-je pu entendre cette phrase », s’agace Anne-Sophie Delassus, éleveuse laitière et président de la coopérative Sodiaal-Nord. « Croyez-moi que les hommes qui me demandent ça ne sont pas les bienvenus »

Aller plus loin dans le changement nécessite aussi que les femmes s’interdisent de mettre en avant leurs compétences. « Elles se mettent trop de barrières », insiste James Hogge, quand Pierre-Yves Ginet ajoute que ce phénomène est plus prégnant et récurrent « dans les milieux et les fiefs très masculins dans lesquels les femmes sont minoritaires. Cela cultive un sentiment d’incompétence, mais surtout pas un manque de compétence », analyse-t-il. Pour lui, il s’agit que les agricultrices cassent la spirale du « manque de confiance ». La sphère agricole n’est « pas une exception en termes de sexisme », rassure l’ancien reporter qui cite l’exemple du milieu nucléaire, de la finance, du conseil ou encore de la justice avec des cabinets composés exclusivement de femmes… parce que les anciennes générations « ne sont plus du tout à la page », évoque diplomatiquement Pierre-Yves Ginet. Un problème qui renvoie à la non-mixité voulue par certaines agricultrices et qui divise les femmes elles-mêmes (lire encadré). « Les femmes ont toujours travaillé en agriculture. Elles étaient invisibles. Il faut le rendre visibles », conclut la députée Sophie Pantel (PS, Lozère).

 

La non-mixité : nécessité ou contrainte ? 

« Pour beaucoup de femmes, le fait de se réunir entre elles permet d’échapper à la pression du regard masculin, mais ce n’est qu’une étape », soutient James Hogge. « Oui, ça permet de ne plus avoir droit à certaines remarques mesquines et dans ces réunions, je trouve un peu de réconfort », affirme Louise Germain, jeune agricultrice dans l’Est de la France. Isabelle Petitpas, non issue du milieu agricole, ne partage pas ce sentiment, estimant « qu’on ira beaucoup plus vite si on travaille directement avec les hommes, en leur faisant comprendre nos choix, en s’engageant et en prenant nos responsabilités ». Pour la présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA, Cathy Faivre-Pierret, « il faut que les femmes se donnent les moyens de s’imposer. Il y a encore plein de barrières à lever ». La non-mixité ne constitue pas pour elle une obligation. « A chacune de s’adapter. Il faut respecter la liberté de choix et leur donner les moyens d’activer ce choix », indique-t-elle.

 

Etude Back to Earth

Back to Earth est un mouvement associatif qui entend « valoriser et relier les acteurs français du retour à la terre » et promouvoir l’avenir des territoires ruraux et agricoles. Il a présenté, à l’occasion de ces 4e rencontres, les résultats d’une enquête menée pendant un an en partenariat avec Vox Demeter et la Chaire agricultures au féminin de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers (ESA). Intitulée "Retour à la terre et féminin", elle analyse « qui, pourquoi et comment » faire revenir les femmes à la terre : Renouvellement des générations, lutte contre les inégalités, diversification mais aussi pénibilité du travail, accès au foncier, conciliation des temps personnels et professionnels y sont abordés, disséqués et analysés. De nombreux témoignages-terrain agrémentent cette étude qui propose 30 pistes pour « favoriser le retour à la terre des femmes, parmi lesquelles, « lutter contre les stéréotypes », « accompagner la qualité de vie, l’ergonomie et la maternité », « faire évoluer la gouvernance des institutions du monde agricole » ou encore soutenir et accompagner l’installation des femmes.

> Consulter la synthèse de l'enquête