La table ronde organisée par la MSA Lorraine portait sur le thème « S’adapter ou se transformer face à de nombreux défis ? ». Pour le développer : trois experts et deux agriculteurs lorrains « bien dans leurs bottes ». Des témoignages pleins d’enthousiasme qui montrent une confiance en l’avenir, vivifiante.
En épilogue à la tenue de son assemblée générale le 10 novembre à Pont-à-Mousson, la MSA Lorraine avait confié à Jean-Paul Hébrard, journaliste et directeur de TV Agri, l’animation d’une table ronde autour des « nécessaires adaptation et transformation de l’agriculture, face à de nombreux défis ». L’habileté de l’exercice aura été d’amener à témoigner une agricultrice et un agriculteur lorrains, aux côtés de trois experts habitués, voire incontournables sur les tribunes.
« Tout va plutôt bien »
Pauline Thirion, 28 ans, a intégré l’exploitation vosgienne familiale d’Auzainvillers, en début d’année, rejoignant ses parents, qui ne l’avaient pourtant pas encouragée sur cette voie. Pour élever des chèvres et ensuite transformer leur lait en fromage, en complément de l’engraissement des quelque 120 taurillons Blondes d’Aquitaine et Charolais et de la conduite de 1.500 poules pondeuses plein air en Label Rouge. « Tout va plutôt bien », lance d’entrée la jeune femme.
Sur leur exploitation mosellane située à La Maxe, Dominique Jacques et son épouse Sandrine s’adaptent. Du classique « orge-blé-colza » en vigueur jusqu’en 2016 sur le parcellaire, ils ont bifurqué progressivement vers un assolement à sept cultures en 2023. Et ils revendiquent l’adaptation permanente. « Le tournesol était absent, il y a cinq ans, il est devenu une culture essentielle nécessitant moins d’eau et moins de phytosanitaires, argumente Dominique Jacques. Et malgré des semis parfois tardifs, les rendements sont corrects ». L’agriculteur se dit « assez confiant, la recherche avance. Nous allons devoir nous habituer à trois mois de sécheresse suivis de trois mois de pluie, nous allons y arriver », assure-t-il. La ferme produit également de la viande à partir du troupeau allaitant, ainsi que de la volaille.
Explosion des aléas
Le changement climatique constitue un véritable défi. Pauline Thirion confesse toutefois une certaine appréhension face à cette évolution, même si des efforts ont déjà été accomplis, comme l’arrêt du labour. « Aujourd’hui, nous constatons l’explosion des aléas : sécheresse, chaleur, pluies intenses, analyse Anne-Charlotte Dockès, agro sociologue, responsable Métiers de l’élevage à l’IDELE. Plus difficile pour déterminer une stratégie d’exploitation, modifier les pratiques pour intégrer parfois deux saisons d’herbe ». Une complexité qui fait que « certaines variables deviennent des constantes, appuie François-Xavier Schott, chef du service multi performance et transitions, à la Chambre régionale d’agriculture. Le climat et le renouvellement des générations accélèrent le processus ». Dominique Jacques parle d’extensifier pour disposer de stocks et de réaliser des économies sur les intrants, les engrais par exemple.
« Un salarié plus que motivé »
Parmi les questions posées, celle du salariat. « J’embaucherai, évidemment, lorsque mes parents partiront en retraite », lâche Pauline, enthousiaste. « Mais manager un salarié, c’est un métier ». Dominique Jacques bénéficie déjà « d’un salarié plus que motivé ». Ses enfants ont opté pour d’autres choix que l’agriculture. Aussi se pose-t-il la question « à quel moment vais-je le faire rentrer ? Pour que mon exploitation continue, même si elle ne porte plus mon nom, ça ne m’importe pas ». La confiance réciproque constitue un atout. « Je ne sais pas si je le bichonne, en tout cas, je ne me moque pas de lui… », affirme le chef d’exploitation. A méditer.