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« Consommer local nécessite de produire ici »

(De G. à D.) Daniel Gremillet, Jean-Jacques Gaultier, Vincent Verschuere, Philippe Clément, Luc Smessaert et Régis Desrumaux ©Marion Falibois.
(De G. à D.) Daniel Gremillet, Jean-Jacques Gaultier, Vincent Verschuere, Philippe Clément, Luc Smessaert et Régis Desrumaux ©Marion Falibois.

Vendredi 18 novembre, la FDSEA des Vosges tenait son assemblée générale au Palais des Congrès de Vittel. A cette occasion, une table ronde était organisée sur le thème suivant : « Consommer local nécessite de produire ici : protégeons notre agriculture et celles et ceux qui la font ! »

Animée par Philippe Clément, président de la FDSEA 88, l’intervention a rassemblé Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l’Oise, Vincent Verschuere, agriculteur de l’Oise, Daniel Gremillet, sénateur des Vosges et conseiller régional, Jean-Jacques Gaultier, député de la 4e circonscription des Vosges et Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA.

Le cas de Vincent Verschuere

Philippe Clément a amorcé les échanges : «nous avons souhaité que nos élus participent à cette table ronde car dans les dossiers que nous allons aborder nous rencontrons forcément le cadre législatif. Nous verrons donc comment se construit une loi et comment pouvons-nous protéger les agriculteurs ? Vincent va nous partager son expérience pour nous permettre de prendre en compte ce qui est en train de se passer dans notre société et voir comment nous pouvons l’anticiper.»

Vincent Verschuere est agriculteur dans l’Oise et avait fait le déplacement pour partager son histoire : «je suis installé en polyculture élevage avec 80 vaches laitières. J’ai repris la ferme familiale en 2009 à la suite de mes parents, nous sommes la quatrième génération sur l’exploitation. Comme tout le monde nous avons eu l’obligation de nous mettre aux normes mais les plans de mise aux normes n’étant pas possible à mettre en place sur nos bâtiments qui dataient des années 70, nous avons décidé de construire un nouveau bâtiment pour accueillir les vaches laitières, le bloc traite et récupérer toutes les eaux de lavage, salle de traite, eaux blanches, eaux vertes. Etant toujours dans un état d’esprit où nous voulions que les vaches continuent de sortir en pâture et les pâtures étant tout autour de la ferme, nous décidons de construire sur le site existant. Nous montons trois autres projets avant celui-ci  pour nous éloigner des habitations, malheureusement nous n’étions pas propriétaires et les propriétaires ont refusé de nous vendre la parcelle nécessaire. Nous finissons donc par faire cette demande de permis sur ce bâtiment à une trentaine de mètres de la première maison en adaptant le bâtiment à cette proximité, nous avons donc choisi de rester sur un bâtiment totalement paillé ce qui émet un peu moins d’odeur qu’un système de raclage ou de stockage de lisier / fumier. Nous avons essayé d’intégrer le bâtiment au paysage au mieux avec des bardages en bois enclins le long des propriétés des riverains. D’installer un régulateur électronique sur la salle de traite dès le début pour limiter le bruit, d’intégrer la fosse sous le bâtiment pour  qu’elle ne soit pas atteinte par les intempéries. Nous avons fait de notre mieux. En 2010 la construction démarre et immédiatement un collectif se crée, principalement à l’initiative d’un riverain qui a fait le tour de tout le voisinage sous les conseils de son avocat. Cinq autres l’ont suivi. De là la procédure est enclenchée, ils attaquent le permis de construire, donc la mairie. Nous n’étions qu’observateurs et au bout de cinq ans de procédure, ils obtiennent l’annulation du permis de construire. Ensuite, ces mêmes riverains nous attaquent nous, directement, pour cette fois demander la démolition du bâtiment ainsi que les dommages et intérêts pour préjudices subits d’avoir une ferme à côté de chez eux.» Selon l’agriculteur, parmi les raisons qui l’ont amené dans cette situation il y a : «ce fossé qui se creuse entre producteur et consommateur. Le consommateur a deux discours bien distincts. Quand on l’interroge dans la rue il va dire qu’il veut manger local et qu’il est prêt à payer cette qualité puisqu’elle a un prix mais quand on va l’interroger dans la grande surface il va dire : « oui mais écoutez, je n’ai pas le salaire nécessaire » il va regarder le prix. Et ce fossé, on le rencontre encore entre les générations. Nous sommes de moins en moins d’agriculteurs, plus ça va, plus nous perdons ce lien. Avant, nous avions toujours un frère, un cousin, un neveu qui avait une exploitation et après les repas de famille, nous allions tous faire un tour à la ferme. Maintenant, même si nous sommes dans des villages et territoires ruraux, les gens ne connaissent plus l’agriculture et les enfants perdent ce lien et en viennent à ne plus savoir que pour produire un litre de lait, il faut une vache.»