Face à la perspective du départ en retraite de la moitié des agriculteurs en moins de dix ans, avec peu de solutions de reprises, il y a urgence à agir pour favoriser des transmissions en direction des jeunes. La FRSEA Grand Est veut « encourager le goût d’entreprendre ». Grand angle, lors de son assemblée générale.
La région Grand Est compte 66.000 actifs agricoles, dont 37.000 chefs d’exploitation. La chute drastique des effectifs mesurée entre les deux derniers recensements généraux agricoles (2010-2020) se poursuit. La pyramide des âges montre que la moitié des exploitants seront fondés à faire valoir leur droit à la retraite d’ici 2030.
La diversification des activités agricoles est en plein développement, exigeant de nouvelles compétences. « Nous sommes confrontés à deux défis majeurs, indiquait Fabrice Couturier, le 16 juin, à Laxou, en présidant sa première assemblée générale de la FRSEA Grand Est. Rendre nos métiers attirants pour la jeune génération et faire passer le message de leur attractivité aux élus politiques ». Cette entrée en matière plaçait immédiatement le projecteur sur la thématique du jour : « Encourager le goût d’entreprendre en agriculture », sujet abordé sous forme d’une table ronde.
« Il nous reste cinq ans »
« La priorité des priorités est le renouvellement des générations, martèle Thierry Bussy. Il nous reste cinq ans. Nous sommes loin de pouvoir réussir cet impératif : d’une installation pour trois départs aujourd’hui, il nous faudrait passer à deux sur trois ». Le président de la SAFER Grand Est déplore que l’outil qu’il préside « ne maîtrise pas assez d’exploitations ».
Il salue au passage la convention « novatrice » signée avec les JA et la Région « pour porter le foncier et le capital d’exploitation ». Une autre problématique se situe dans le cas des sociétés « très difficiles à diviser et à transmettre à plusieurs ». Thierry Bussy appelle de ses vœux « des mesures incitatives sur la fiscalité » ainsi « qu’une action forte en direction des cédants, département par département, afin qu’ils transmettent à des jeunes ». Et de se remémorer « ce qui fonctionnait bien dans les années 80 : les opérations groupées d’aménagement foncier », les fameuses OGAF. L’urgence est perceptible, d’autres chiffres font froid dans le dos. 28 % des agriculteurs âgés de plus de 60 ans ne disposeraient pas de repreneurs et 25 autres % auraient une perspective potentielle, mais sans avoir décidé…
Vice-présidente du Conseil régional, Béatrice Moreau, alors élue consulaire, a contribué à la mise en place des Points Info Transmission, une démarche inédite que le Grand Est a initiée. Pour elle, il faut aller plus loin en créant « le parcours à la transmission », en travaillant plus précisément « l’aspect humain » négligé jusqu’alors. Thierry Bussy estime que l’action doit être collective, toutes OPA confondues, pour la rendre efficace.
60 % des agriculteurs en société
Une question sous-jacente se situe dans l’installation hors cadre familial. « Disposons-nous de tout l’arsenal sociétaire nécessaire ? » questionne Fabrice Couturier. S’il n’y avait qu’un fin connaisseur du dossier… il serait celui-là. Jean-Louis Chandellier, directeur général adjoint de la FNSEA et directeur de GAEC et Sociétés, estime qu’à terme, seul un agriculteur sur quatre bénéficiera d’une succession familiale. Les trois autres se tourneront vers des jeunes extérieurs, des moins jeunes ou de l’agrandissement.
L’expert estime que l’organisation du capital foncier et du capital d’exploitation n’est pas efficiente en France. « Le capital foncier doit être porté par des gens dont c’est le métier : personnes physiques ou groupe de propriétaires. Afin de ne pas augmenter le loyer, nous proposons un accompagnement fiscal, type allégement de TFNB ». Pour le capital d’exploitation « il n’existe aucun outil de portage, or il y a des moyens d’y parvenir ». Si le modèle Labeliance n’a pas fonctionné en agriculture, il y aurait matière, pour Jean-Louis Chandellier, à s’en inspirer. « Un appel en capital sur huit ans, avec une prise de risques ».
Actuellement, 60 % des agriculteurs sont associés en société, ce qui représente les trois-quarts de la production agricole. Si les GAEC et EARL dominent encore, d’autres formules, type SCEA ou SAS, montent en puissance. « Ce constat m’interpelle, confie le juriste. Car nous avons construit des société à l’image de l’agriculture familiale. Serions-nous passés à côté de quelque chose ? ».