Vous êtes ici

Le décret du 9 avril ouvre la voie au développement de l’agrivoltaïsme

Illustration Agrivoltaïsme bâtiments  iStock
Illustration Agrivoltaïsme bâtiments iStock

La parution du décret précisant les modalités de mise en place des projets agrivoltaïques le 9 avril, va permettre la libération du potentiel important de production d’électricité solaire sur terres agricoles. Si le gouvernement met l’accent sur l’impératif énergétique, les professionnels de l’agrivoltaïsme insistent sur l’impératif de construction d’une filière vertueuse pour qu’elle soit pérenne.

Plus un an après la loi d’Accélération de la production des énergies renouvelables (Aper) du 11 mars 2023, le décret d'application qui concerne l’agrivoltaïsme a été publié au Journal Officiel du 9 avril dernier. La loi Aper avait en effet prévu « un cadre pour les installations photovoltaïques sur terres agricoles, en préservant la souveraineté alimentaire », indiquait le ministère de l’Agriculture dès le 27 mars 2023. Ce décret « vise à développer les énergies renouvelables dans le secteur agricole, tout en protégeant les actifs agricoles grâce au principe de non-concurrence entre activités agricoles et production d’énergie posé par la loi », a indiqué le ministère dans un communiqué publié le 9 avril. Il pose le cadre de deux activités : l’agrivoltaïsme, qui désigne des installations associées à des pratiques agricoles (culture ou élevage), permettant le maintien de la production et apportant un bénéfice agronomique ; et le développement de projets photovoltaïques au sol sur terrains agricoles, naturels ou forestiers, qui ne sera possible que dans des zones incultes ou non-cultivées.

Priorité à la production agricole

« L’agrivoltaïsme implique de donner, sur les terrains exploités, la priorité à la production agricole sur la production d’énergie », précise-t-il. « C’est la raison pour laquelle les acteurs locaux (à travers la Commission départementale de préservation des espaces naturels et forestiers (cdpenaf) seront mobilisés pour analyser les projets et retenir les meilleurs pour l’agriculture ». Une limite de 40 % de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques est posée, pour limiter les risques de baisse des rendements. Le maintien de la production agricole sera contrôlé et mesuré par les Directions départementales des territoires (DDT). Le rendement agricole doit être maintenu pour l’ensemble de l’installation. Dans le cas des cultures, la production doit être au moins égale à 90 % de celle observée dans une parcelle témoin. Ce critère fera l’objet de contrôles spécifiques et les sanctions en cas de non-respect pourront aller jusqu’au démantèlement de l’installation. 

Un impératif réalisable

Alors que « ça n’avançait pas parce qu’il n’y avait pas de cadre, le décret offre des garanties au monde agricole », s’est enthousiasmé Pierre Janiszewski, conseiller « énergies renouvelables » auprès du ministre délégué à l’Industrie dans un point presse le 9 avril. Le photovoltaïsme « est un impératif pour notre souveraineté énergétique (…) On a besoin de multiplier par cinq la puissance installée en photovoltaïque pour atteindre 100 gigawatts à l’horizon de 2035 ». Cet objectif « n’est pourtant pas énorme, quand on le compte en termes d’hectares mobilisés », a-t-il précisé : « 100 gigawatts correspondent à 100 000 ha en agrivoltaïsme, or la France c’est 25 millions d’hectares de terres agricoles. En couvrant 3 % de la surface agricole en panneaux solaires on atteindrait l’objectif photovoltaïque », a-t-il exposé. Ce décret « crée un cadre favorable au développement de projets renouvelables sur les exploitations agricoles. C’est aussi le fruit d’un dialogue efficace entre les acteurs des filières renouvelables et agricoles, dont on ne peut que se féliciter », a commenté pour sa part Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser). 

Priorité à la réussite du modèle 

France Agrivoltaïsme, association qui rassemble les milieux agricoles au sens large (agriculteurs, chambres, propriétaires, équipementiers agricoles, instituts de recherche) et les professionnels de l’énergie, « salue la parution du décret » tout en rappelant que la barre d’exigence doit être placée haut pour garantir la pérennité de cette filière en construction. L’association « tient à ce que les projets mis en œuvre soient vertueux afin de favoriser l’appropriation des projets agrivoltaïques dans l’ensemble des territoires ». « C’est l’exigence qui constitue l’ADN de notre association car il s’agit de garantir la durabilité de notre filière à long terme », ont déclaré Olivier Dauger et Thierry Vergnaud, co-présidents de l’association, dans un communiqué. « Les premiers projets seront regardés à la loupe, ils doivent être irréprochables. », a précisé Thierry Vergnaud. Il faudra notamment être vigilant sur le mode de calcul du rendement. « La question du rendement agricole pour l’élevage nous semble constituer une grande faiblesse du décret, car celui-ci ne définit ni les objectifs ni la méthodologie de calcul », alerte le communiqué. Or la proportion de l’élevage dans les projets agrivoltaïques « est beaucoup plus importante que celle que l’on pensait au départ », a souligné Thierry Vergnaud. France Agrivoltaïsme travaille à l’élaboration d’arrêtés relatifs aux contrôles et aux sanctions, pour que ces dernières ne soient pas sans impact. 

La rédaction 

FNSEA : la souveraineté alimentaire est préservée 

La FNSEA salue dans un communiqué publié le 10 avril ce décret « qui préserve la souveraineté alimentaire ». Pour elle, « l’installation d’équipements photovoltaïques sur les toitures demeure une priorité » et elle « se réjouit que soient désormais interdites les installations photovoltaïques au sol sur les terres d’agriculteurs en exploitation ». « Non, les cultures, prairies et élevages ne seront pas remplacés et dégradés par des panneaux solaires », souligne-t-elle. En parallèle, elle poursuit son travail sur « deux sujets primordiaux pour le développement de la filière agrivoltaïque » : la mise en place d’un bail rural adapté aux nouveaux enjeux et le partage de la valeur, afin que la contribution des agriculteurs à la transition énergétique « soit pleinement valorisée ».