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L’Europe en ligne de mire

« Syndicalismes et enjeux européens ». Tel était le sujet de la table ronde organisée la dernière journée du congrès de la FNSEA Photo : DR
« Syndicalismes et enjeux européens ». Tel était le sujet de la table ronde organisée la dernière journée du congrès de la FNSEA Photo : DR

« Syndicalismes et enjeux européens ». Tel était le sujet de la table ronde organisée la dernière journée du congrès de la FNSEA qui s’est déroulé du 26 au 28 mars à Dunkerque. Le renouvellement du Parlement européen sera suivi de manière très attentive par les agriculteurs qui savent que c’est en grande partie à Strasbourg et Bruxelles que se joue leur avenir.  

Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (COPA) a expliqué la longueur des procédures législatives européennes, entre 18 et 24 mois, avec un parlement européen de plus en plus éclaté et écartelé : « Plus de Verts et plus d’extrêmes », a-t-elle résumé. D’autant qu’à Bruxelles, « tout le monde est très sensible aux arguments des ONG qui ont bureau permanent et quartier ouvert où vous savez », a-t-elle souligné sous-entendant que la Commission européenne était sensible aux sirènes écologistes. Le Parlement est à même de pouvoir contrebalancer l’hégémonie de la Commission. Encore faut-il que les députés soient au fait des dossiers agricoles et qu’ils les soutiennent.

Frustration

Les agriculteurs ont vécu le Green Deal (154 textes) et sa déclinaison agricole, le Farm to Fork (27 textes) comme un « tsunami réglementaire » qui a provoqué chez eux, une sensation d’étouffement. Ce sentiment qui s’est sédimenté à d’autres rancœurs a alimenté les manifestations qui ont éclaté dans 25 des 27 pays de l’Union depuis le mois de janvier. En Allemagne et en Belgique, c’est le dossier sur le gasoil non routier qui a mis le feu aux poudres. Aux Pays-Bas et en Irlande, ce sont les mesures gouvernementales pour réduire les cheptels qui ont fait descendre les agriculteurs dans la rue. « En plus le traitement de cette affaire par les médias a été négatif », a témoigné Francie Gorman, président de l’Irish Farmers Association (IFA). Le traitement médiatique a aussi heurté et « blessé les Italiens dans leur orgueil » a ajouté Massimiliano Giansanti, président de la Conf’Agricultura, alors même qu’ils luttaient contre la baisse de leurs revenus et la hausse des coûts de production. La coupe a été pleine quand le gouvernement leur a demandé de protéger les rats et les souris (rats taupiers). « Moi je veux élever des vaches, pas des rats », s’est-il emporté. La France a concentré toutes ces problématiques ou presque. « En plus on nous a fait des promesses qui n’ont pas été traduites dans les faits, ce qui a engendré de la frustration », a rappelé Franck Sander, vice-président de la FNSEA.

Idéologiquement marqués 

Chacun des intervenants réclame une Europe plus forte économique et plus concentrée sur les réalités du terrain. « Notre horizon, c’est l’Europe », a martelé Christiane Lambert pour qui l’agriculture doit rester la pierre angulaire du projet européen. L’agriculture s’affirme d’ailleurs comme la seule politique intégrée et concentre plus de 30 % du budget des 27 Etats-membres. Les orateurs demandent tous de revoir le « Green Deal qui a fragilisé l’Europe », a expliqué quelques instants plus tard Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Ce que disent entre les lignes les différents dirigeants agricoles européens, c’est que ce sont les lobbies les plus puissants et les plus influents qui crient au loup en stigmatisant « tous les reculs qu’on connaît sur les réglementations sociales et environnementales européennes aujourd’hui », comme l’a déclaré la députée européenne Marie Toussaint*. Or ce sont ces lobbies qui sont en majeure partie à l’origine même du problème. « Or on ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés », a lâché Francie Gorman. C’est aussi ce que vit au quotidien Marianne Streel, présidente de la Fédération wallonne de l’agriculture qui doit discuter agriculture et écologie avec des chefs de cabinet de ministères très idéologiquement marqués « puisqu’ils sont WWF et Greenpeace ». Malgré ses obstacles, l’Europe reste le meilleur outil pour conquérir les marchés tiers. « C’est pourquoi le Royaume-Uni a eu tort de sortir de l’Europe. Il n’y a aucun avantage à en sortir », a souligné Francie Gorman. Pour réorienter la PAC et le Green Deal et contrebalancer les initiatives intempestives de la Commission, les agriculteurs espèrent disposer des bons relais au sein du Parlement européen. Résultat le 9 juin au soir. 

(*)26 février 2024