C’est devant un hémicycle clairsemé que s’est tenu, le 26 novembre, en fin d’après-midi, le débat, suivi d’un vote, sur l’accord commercial UE-Mercosur à l’Assemblée nationale.
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a posé d’entrée les enjeux et a rappelé la position de la France. « Avec cet accord, nous signerions le contrat de délocalisation d’une partie de notre agriculture », a-t-elle déclaré. Annie Genevard venait d’évoquer les nombreuses distorsions de l’agriculture des pays du Mercosur avec l’agriculture européenne. « Comment justifier l’ouverture de nos marchés ? », a-t-elle interrogé. « Cet accord ne nous permet de garantir ni la sécurité sanitaire des denrées importées telle que nous l'envisageons en Europe, ni l'établissement de conditions de concurrence loyales pour nos agriculteurs ». La ministre de l’Agriculture a par ailleurs annoncé que la Pologne venait officiellement de rallier le camp du non. En effet, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a déclaré le 26 novembre que son pays n’accepterait pas en l’état l’accord de libre-échange. Au-delà de l’agriculture, l’accord concerne tous les secteurs de l’économie. « Nous ne pouvons pas faire rentrer des produits moins disants, plus compétitifs, moins normés », a ajouté Sophie Primas, ministre du Commerce extérieur.
« Exception agriculturelle »
Près de 30 députés, issus de tous les groupes parlementaires, ont ensuite pris la parole dans un débat qui a duré près de 3h30.
Pour le groupe Gauche Démocrate et Républicaine, André Chassaigne a fustigé un « accord d’un autre temps, d’un autre siècle », un accord « viandes contre bagnoles, si possibles allemandes ». Il a dénoncé le « caractère antidémocratique des négociations ». « La France est-elle prête à faire usage de son droit de véto ? » a-t-il demandé au Gouvernement.
Hélène Laporte (RN, Lot-et-Garonne) a refusé que l’UE signe avec « un géant agroalimentaire qui ne joue avec aucune de nos règles » en dénonçant l’idée (qui transpire dans les bureaux à Bruxelles) d’un « fonds d’indemnisation (…) pour accompagner la mort douce de nos exploitations ».
« Non au Mercosur, oui au libre-échange », s’est exclamé Dominique Pottier (PS, Meurthe-et-Moselle). L’élu a défendu l’idée d’une « exception agriculturelle » et a fait une « proposition originale » : un système de clauses miroirs où la charge de la preuve revient à l’exportateur.
Pour le groupe Droite républicaine, Julien Dive (Aisne) a pointé le risque de « déclassement » qui pourrait mettre en danger « l’indépendance de notre modèle agricole ».
Ancien ministre de l’Agriculture et président du groupe Les Démocrates, Marc Fesneau a souligné que « l’accord négocié n’est plus en phase avec l’actualité des temps » et s’est interrogé sur « la volonté incompréhensible de la Commission européenne de sacrifier les intérêts de l’agriculture ».
Un seul groupe refusera de voter contre l’accord UE-Mercosur, celui de LFI. « Nous ne refusons pas l'accord 'en l'état' ; nous refusons l'accord tout court », a précisé Arnaud Le Gall (Val d’Oise). Mais, reprochant au Gouvernement de « louvoyer », de « n’avoir aucune stratégie », le député a annoncé que son groupe votera contre la déclaration gouvernementale.
Le Gouvernement souhaitait un soutien unanime de l’Assemblée nationale. Il l’a presque obtenu. Sa déclaration contre l’accord UE-Mercosur a été adoptée par 484 voix pour, et 70 contre (toutes du groupe LFI).