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Les semences françaises peinent à s’exporter

La France est leader dans l’exportation de semences végétales, mais le secteur semencier rencontre des points de fragilité qui profitent dangereusement à ses concurrents : le crédit-impôt-recherche n’est pas sécurisé, l’accès à l’irrigation n’est pas garanti et surtout l’administration assimile de façon croissante les semences traitées à des produits phytopharmaceutiques, ce qui discrédite l’offre française à l’extérieur. 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la France réalise bon an mal an 3,5 à 3,9 milliards d’€ (Md€), dont 55 % à l’export. Elle est le premier exportateur mondial de semences de grandes cultures et le deuxième pour les semences potagères, un atout de souveraineté tant pour son alimentation que pour son influence dans le monde. « En 2022/23, la filière a dégagé un excédent commercial d’1,2 Md€, avec une croissance de 8 % de la balance commerciale semencière », a indiqué l’Union française des semenciers (UFS) le 13 novembre à sa conférence de presse annuelle. Pourtant, la filière semencière est confrontée à des menaces pouvant entamer son leadership mondial, et éroder l’attractivité du métier d’agriculteur-multiplicateur, où se pose la question du renouvellement des générations. Les agriculteurs-multiplicateurs « sont environ 16 000, contre 17 000 il y a trois ans. On perd régulièrement des effectifs », a rappelé Olivier Paul, président de l’UFS. 

Insécurité économique  

Dans ce secteur où la recherche-développement (R&D) représente 11 % du chiffre d’affaires, la question de la pérennité du crédit-impôt-recherche (CIR) est un sujet d’inquiétude. « Chaque année, ce dispositif est remis en question dans le cadre des débats sur le Projet de loi de Finances (PLF), ce qui crée une insécurité économique », a relevé le président de l’UFS. Près d’un quart des dépenses de R&D des entreprises semencières françaises sont couvertes par le CIR. Autre sujet d’inquiétude : l’eau. « L’accès à l’eau est indispensable », car la production de semences nécessite des soins particuliers à ces cultures élaborées, a ajouté Rachel Blumel, directrice générale de l’UFS. La filière ne peut pas sans risque voir l’irrigation remise en cause par des polémiques sur le stockage de l’eau. Le sujet le plus crucial est celui des interdictions de molécules phytosanitaires. Rachel Blumel a cité l’exemple emblématique de la semence de radis française. L’Hexagone était le premier pays exportateur de semences de radis jusqu’à ces dernières années. L’interdiction de la molécule en Europe a fait que la France, qui était le leader dans ce domaine, s’est complètement retirée, au profit de la Nouvelle-Zélande. « Même si la molécule était ré-autorisée, on a déjà armé nos concurrents », a commenté Olivier Paul. Mais par-dessus tout, c’est la surinterprétation française de la règlementation européenne pour les semences traitées qui est la plus décourageante. 

« Il ne faut pas traiter vos semences »

Alors que la loi européenne (règlement 1107/2009 sur la mise en marché des molécules phytos) prévoit bien une distinction entre produits phytosanitaires et semences traitées, l’administration française (la DGPR* du ministère de l’Écologie) assimile de plus en plus les semences traitées et les produits phytopharmaceutiques, ce qui ferme les marchés à l’exportation. « À la DGPR on nous répond : “ il ne faut pas traiter vos semences ” », a témoigné Olivier Paul. Un important travail d’explication est nécessaire pour faire comprendre que les semences traitées rendent les produits de traitement efficaces à des doses très réduites, de nature à diminuer la fréquence des traitements au champ, a-t-il ajouté.  Plus largement, l’UFS compte faire comprendre aux parlementaires et au grand public l’enjeu de sa filière pour la souveraineté alimentaire et stratégique, à l’heure où les bouleversements géopolitiques chahutent les marchés. 

(*) Direction générale de la prévention des risques