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L’élevage français en quête d’autonomie et d’attractivité

(De G. à D.) : Sophie Larmoyer, journaliste et animatrice de la table-ronde ; Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol ; François Valy, vice-président d’Inaporc et Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev. 
(De G. à D.) : Sophie Larmoyer, journaliste et animatrice de la table-ronde ; Jean-Michel Schaeffer, président de l’Anvol ; François Valy, vice-président d’Inaporc et Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev. 

L’institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) a organisé, début juillet un colloque sur le thème « De l’éleveur au consommateur : Quels enjeux pour les filières de la viande en France ? ». Les débats qui ont suivi se sont appuyés sur une étude réalisée en collaboration avec les interprofessions. Celle-ci établit un scénario tendanciel à l’horizon 2035 assez défavorable pour l’élevage et aussi le consommateur. Ce second volet est consacré aux tables-rondes qui ont suivi la présentation du rapport.

Dans une première table-ronde, les scientifiques ont rappelé la multiplication des études sur ce thème de l’élevage au cours des dernières années, la nécessité de réaliser la transition agroécologique de l’agriculture dans son ensemble, avec, si possible, « un élevage zéro émission nette à l’horizon 2050 », a indiqué Claire Rogel-Gaillard, directrice scientifique adjointe Agriculture à l’Inrae. Tout l’enjeu est de pouvoir stabiliser le cheptel existant (bovins, volailles, porcs et ovins notamment) tout en donnant accès aux Français et aux Européens « une alimentation saine, écologiquement responsable et à des prix abordables », a souligné Brigitte Misonne, cheffe de l’unité Produits animaux à la Commission européenne. Dans cette difficile équation à résoudre, les scientifiques « doivent s’emparer des injonctions contradictoires » a proposé la scientifique de l’Inrae. La solution passe-t-elle par la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques comme l’a suggéré Anne Laurent, directrice du programme Agriculture au Secrétariat général à la planification écologique ? Trois leviers peuvent-être actionnés : tout d’abord le levier normatif et réglementaire comme c’est le cas pour le BCAE 8 (biodiversité) qui a conduit à imposer plus de pression et de distorsions de concurrence. Ensuite, il est possible d’agir sur les subventions et soutiens financiers « à condition que ces aides aillent directement aux éleveurs », a-t-elle précisé. Enfin, troisième levier, celui de la consommation« C’est une politique à bas bruit, autour du Plan national nutrition santé (PNSS), de l’affichage environnemental… Mais elle est compliquée à mettre en œuvre dans le contexte politique actuel », a analysé Anne Laurent qui entend « tirer le meilleur parti de la recherche et de l’innovation ». 

Capitaux familiaux 

Au cours de la seconde table-ronde, les représentants des trois interprofessions ont souligné la nécessité de mettre un terme à ces injonctions contradictoires et le rapport les a confortés dans l’objectif de « produire plus et mieux », tout en répondant à l’enjeu du renouvellement des générations. Il ne fait aucun doute pour Jean-Michel Schaeffer, président de l’interprofession volailles de chair (Anvol), que « le consommateur et son acte d’achat doivent nous guider ». Analysant son comportement et les conclusions du rapport de l’IDDRI, il constate que le consommateur « cuisine de moins en moins » et qu’il se rabat « sur le poulet du quotidien ». Or celui-ci, peu cher, est en majeure partie importé. Il suffirait donc d’augmenter la capacité de production française pour répondre à cette demande et atténuer le poids des importations de poulets venant de l’Est de l’Europe. « On ne se résout pas à ce scénario », a renchéri Emmanuel Bernard, président de la section bovine de l’interprofession bétail et viande (Interbev)« Pas du tout surpris » par les conclusions du rapport de l’IDDRI, il plaide pour réformer l’image du métier d’éleveur pour attirer plus de monde, salariés ou exploitants. Or cette attractivité « passe par les revenus », ont estimé Jean-Michel Schaeffer et François Valy. Pour ce dernier, vice-président de l’interprofession porcine (Inaporc), ces revenus passent par des économies d’échelle et la mise en place d’élevage plus grands mais toujours aux mains de capitaux familiaux. « La moyenne française d’un élevage porcin est d’environ 250 truies. On pourrait très bien passer à 500, ce qui permettrait de créer de l’emploi et d’améliorer la qualité de vie des exploitants (week-end, vacances…) ». A cela s’ajoute la nécessité « d’éviter les surtranspositions » et de donner « une visibilité à long terme pour les éleveurs », a estimé François Valy qui entend conserver à l’agriculture française et à son élevage, « sa vocation exportatrice. Si on ne vend pas les morceaux moins nobles du porc en Chine, le prix sera plus cher pour le consommateur français », a-t-il expliqué. Comme l’a indiqué Brigitte Misonne, répondre à tous ces enjeux ne pourra se faire qu’en embarquant tous les acteurs de l’ensemble des filières concernées. Le dialogue stratégique mis en place par Ursula von der Leyen pourrait y pourvoir…