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Mercosur : « Ne laissez pas l’Europe sacrifier nos filières agricoles »

Accord Mercosur entre l'Union européenne et les pays sud-américains. ©Photo DR
Accord Mercosur entre l'Union européenne et les pays sud-américains. ©Photo DR

Avec l’autorisation des cosignataires, voici la reproduction de la lettre ouverte que les interprofessions du sucre (AIBS), bétail et viande (Interbev) et volailles (Anvol) ont adressée le 11 septembre au Premier ministre Michel Barnier. 

« Monsieur le Premier ministre,

Alors que les négociations sur l’accord Mercosur entre l’Union européenne et les pays sud- américains ont repris, les filières agricoles françaises, représentées par INTERBEV, ANVOL, et l’AIBS, appellent solennellement le gouvernement à rester fidèle à la position historique de la France pour défendre ses intérêts agricoles.

Cet accord, tel qu’il est actuellement proposé, met gravement en péril notre modèle agricole, fondé sur des pratiques durables, responsables et de qualité. L’absence de réciprocité des normes entre l’Union européenne et les pays du Mercosur expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale inacceptable, menaçant la viabilité même de nos filières. Nous ne remettons pas en cause l'importance des échanges commerciaux, essentiels pour les équilibres économiques, mais pour qu’ils soient acceptables, ces échanges doivent impérativement se faire dans des conditions justes et équilibrées, où chaque partie respecte des règles communes. Ce que nous contestons, c'est un modèle de libre-échange déséquilibré, qui met nos producteurs en difficulté face à des pratiques inéquitables. Sans garanties claires et strictes de réciprocité, comme dans le cas actuel des négociations sur le Mercosur, nos filières agricoles se retrouvent sacrifiées au profit d'accords qui ne prennent pas en compte nos exigences en matière sanitaire, environnementale et de bien-être animal.

Le président Emmanuel Macron avait déjà affirmé en mars dernier, lors du Forum économique de São Paulo, que cet accord, dans sa forme initiale, était « très mauvais ». Il avait souligné la nécessité de veiller à ce que les produits importés respectent les mêmes normes que ceux produits en Europe. Cette cohérence politique avait d’ailleurs orienté sa stratégie lors de la Présidence Française de l’UE en 2022, et nous attendons aujourd’hui du gouvernement qu’il maintienne cette ligne avec la même détermination, sans compromis possible.

Nous, représentants des filières agricoles françaises, réitérons notre demande d’inclusion de clauses de réciprocité strictes, dites « clauses miroirs », dans cet accord commercial. Ces clauses garantiront que les produits importés respectent les normes élevées en vigueur chez nos producteurs européens. Sans ces protections indispensables, l’accord Mercosur sera extrêmement dommageable non seulement pour notre agriculture, mais aussi pour notre souveraineté alimentaire et la santé de nos consommateurs. Dans ce contexte, il est donc inenvisageable que de nouveaux contingents soient négociés. Les pays du Mercosur sont déjà les premiers fournisseurs de l’Union européenne en viande bovine et en viande de poulet, avec respectivement 144 000 et 340 000 tonnes équivalent carcasses (tec)exportées en 2023, représentant 48% de la viande bovine et 35 % de la viande de poulet importée par l’UE. L’ajout de contingents supplémentaires de 99 000 tonnes de viande bovine et de 180 000 tonnes de viande de poulet, produites à partir d’animaux nourris au soja déforestant et traités avec des antibiotiques activateurs de croissances, interdits en UE, à droit de douane réduit ou nul, serait tout simplement catastrophique.

Quant au sucre, les nouvelles concessions envisagées (190 000 tonnes de sucre à droit nul, dont 10 000 tonnes de sucre bio, et 650 000 tonnes d’éthanol à droit réduit ou nul) représenteraient l’équivalent de 1,5 Million de tonnes de sucre soit la production de 7 sucreries européennes, pour des productions répondant à des standards sanitaires et environnementaux très dégradés par rapport à ceux mis en œuvre en Europe : utilisation de produits phytosanitaires interdits en Europe, variétés OGM ...

La France a toujours été à l’avant-garde de la défense d’un commerce international équitable et responsable. Votre expertise, Monsieur le Premier ministre, et votre expérience, tant comme ancien ministre de l’Agriculture qu’à travers vos différents mandats dans les institutions européennes, seront cruciales dans cette phase décisive. Vous avez la responsabilité de vous assurer que les intérêts agricoles de la France et de l’Europe soient pleinement préservés dans les conclusions finales de cet accord.

Nous comptons sur votre engagement pour que la France continue de jouer un rôle déterminant dans ces discussions et pour garantir un commerce international juste et transparent, qui respecte nos normes et protège nos filières agricoles.

Dans l’intérêt des consommateurs européens et des opérateurs de nos filières, nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ce courrier, et vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération.

Jean-François Guihard, président d’Interbev

Jean-Michel Schaeffer, président d’Anvol

Alain Carré, président de l’Aibs »

 

Le Mercosur en bref

C’est le 26 mars 1991 qu’a été signé le traité d’Asunción qui crée le Mercado Común del Sur (Marché commun du Sud – Mercosur). Il rassemble cinq pays fondateurs : Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Venezuela. Mais ce dernier a été suspendu en 2017. La Bolivie a rejoint ce marché commun en décembre 2023 et d’autres Etats sont membres associés : Chili, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou et Suriname. Le Mercosur, qui représente près de 300 millions d’habitants et plus de 80 % du produit intérieur brut (Pib) de l’Amérique du Sud, est le quatrième bloc économique de libre-échange au monde, avec un Pib de près de 3000 milliards d’euros.

 

En savoir plus :

> Sur l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne (site web ToutelEurope.eu)