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Le Grand Est acteur des transitions à la CRAGE

À la tribune de la session de la CRAGE : Marie Raffray, Denis Nass, Fabrice Couturier, Yann Dacquay, Maximin Charpentier, Josiane Chevalier et Jérôme Mathieu. Photo : Pierre Divoux
À la tribune de la session de la CRAGE : Marie Raffray, Denis Nass, Fabrice Couturier, Yann Dacquay, Maximin Charpentier, Josiane Chevalier et Jérôme Mathieu. Photo : Pierre Divoux

«L’adaptation au changement climatique ne peut être qu’une priorité», affirme Maximin Charpentier. Le patron de la Chambre régionale d’agriculture pose comme une évidence la nécessité de «changer de modèle».

Dans la «dynamique collective» de réflexion autour de la construction du Pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricole (Ploaa) qui avait conduit le Grand Est à formuler quinze propositions autour des thématiques : orientation et formation ; installation et transmission ; adaptation et transition face au changement climatique, Maximin Charpentier a souhaité confirmer l’organisation consulaire comme «force de proposition».

Le président de la Chambre régionale d’agriculture a ainsi dédié la matinée du 26 juin, dans les locaux de la Chambre de commerce, à Metz, à «un nouveau temps de travail» pour une «session un peu spéciale». Il invitait ainsi les membres, et au-delà, à être «des acteurs des transitions dans l’adaptation de notre agriculture». Adaptation au changement climatique, aux conséquences des évolutions de la démographie des chefs d’exploitations agricoles ou encore à l’enchaînement de crises sans précédent.

Pour camper le décor, Marie Raffray, économiste de Chambres d’agriculture France, a livré une analyse des chocs encaissés par l’économie mondiale et ses conséquences pour le secteur agricole. Un propos dans lequel, malgré les incertitudes, elle affirmait d’emblée, «la richesse des perspectives permises à l’agriculture régionale». Une aubaine pour les membres de la session en mode projet. Pourtant, l’exercice de projection relève d’une équation des plus complexes à résoudre.

L’économiste s’avouait ainsi «bien en peine d’apporter une réponse à la question du devenir des prix». Et pour cause. Sur la période récente, l’amplitude des prix sur les marchés de l’énergie, des engrais et des céréales est inédite. L’analyse des déterminants fait apparaître «le rôle décisif de la Chine sur les marchés» dont la planète entière lorgne sur les stocks alimentaires et leurs variations. Elle a mis également en évidence les bouleversements induits par le changement climatique ou encore les «fortes évolutions attendues en matière de consommation de viande dans le monde». Marie Raffray pronostique, «une composante volaille significative» dans cette progression.

Le monde traverse donc une période d’instabilité où la dimension géopolitique de l’alimentation se fait plus prégnante.

«Tout n’est pas noir»

Dans ce contexte, en France, le retour de l’impératif de souveraineté alimentaire s’opère alors que les éleveurs bovins décapitalisent, les abattages de volailles reculent et la collecte de lait de vache marque le pas. Optimiste, Marie Raffray affirmait cependant, que «tout n’est pas noir».

L’année 2022, «en rupture par rapport aux années précédentes», a ainsi «été très favorable pour l’agriculture française». Les prix, les exportations et le taux de change de l’euro/dollar étaient favorables à ce secteur de l’activité économique du pays. En témoignent «la valeur ajoutée brute en progression de + 15,4 % sur cette période», ou encore, «le résultat de la branche agricole en hausse de 19,7 %». Une conjoncture porteuse pour les produits agricoles et alimentaires qui s’est traduite par «un net redressement de l’excédent commercial agroalimentaire à + 10 milliards d’euros».

La présentation de l’économiste de Chambres d’agriculture France n’a pas éludé l’évolution de comportement des consommateurs français face à l’inflation, «ils achètent moins. Ils achètent ailleurs. Mais surtout, ils achètent moins cher».

Dans ce panorama, Marie Raffray  place «l’agriculture au cœur de la géopolitique» avec pour le Grand Est des atouts en termes de population, d’accès aux services et aux outils de l’industrie agroalimentaire, ou encore de démographie agricole. La part des chefs d’exploitation de 60 ans et plus y est moins forte que dans le reste du territoire.

Changer nos modèles

«L’adaptation au changement climatique ne peut être qu’une priorité», affirme Maximin Charpentier. Et sur la base des éléments contextuels analysés Marie Raffray, il pose comme une évidence la nécessité de «changer de modèle». Pour y parvenir, le patron de la Chambre régionale a souhaité inscrire l’institution «dans une logique d’approche globale, avec la mobilisation de l’ensemble des acteurs», pour laquelle «la massification des comportements sera un levier».

Face à «la complexité des solutions» à imaginer, le directeur de la Chambre d’agriculture du Grand Est a proposé «de se départir d’une approche verticale pour développer des approches pluridisciplinaires au niveau de chaque territoire». D’un point de vue opérationnel, Yann Dacquey souhaite «entrer dans une dynamique de production d’outils simples proposés au travers de programmes opérationnels à destination des agriculteurs».

Le choix de la méthode a conduit à élargir l’assemblée en associant à la réflexion l’amont et l’aval de la production agricole, avec l’ambition d’atténuer «la crise de confiance entre l’agriculture et le reste de la société. Un challenge, tant les positions semblent aujourd’hui éloignées».

Du côté des filières, Maximin Charpentier a passé commande auprès de Fabrice Couturier qui préside le Caf (Conseil de l’Agriculture Française) du Grand Est. S’il s’est engagé à mettre en mouvement les uns et les autres, celui qui est aussi président de la Frsea, a partagé postulats et inquiétudes. «Les conditions économiques seront déterminantes pour notre capacité à renouveler les générations». Pas de projet sans revenu donc pour le syndicaliste, attaché à souligner que «la profession n’a plus à faire la démonstration de sa capacité d’adaptation». Il en sera donc de même du changement climatique «à condition de nous donner du temps et de retrouver les bases d’une planification». Temps long et perspectives seraient ainsi les premières conditions nécessaires pour s’engager.

Vaste ambition pour ce projet, porté sur les fonts baptismaux par Maximin Charpentier, et encouragé par la préfète de Région, Josiane Chevalier. La représentante de l’État, dans ce «mouvement d’accélération des sujets», a incité la profession «à ne pas attendre du national», «la hausse de température est là, il faut atténuer cet impact».