Une étude publiée fin juillet* par une université étrangère remet en cause la théorie selon laquelle les pollutions des rivières européennes ne proviendraient que de l’activité agricole. Selon les chercheurs, d’autres facteurs extérieurs interviendraient notamment les lessives.
Jusqu'à présent, l'utilisation du glyphosate comme herbicide dans l'agriculture était considérée comme la principale raison de sa présence dans les plans d'eau du monde entier. Début juillet la revue Pour la Science estimait, après que des scientifiques ont effectué et analysé les relevés effectués dans près de 4 000 sites, que les risques environnementaux étaient liés à 223 composés organiques dans pas moins de 91 bassins fluviaux d’Europe. Ils estimaient notamment que, « parmi ces composés organiques, les pesticides (herbicides et insecticides) représentent 81, 87 et 96 pour cent des cas de risques de toxicité aiguë pour les poissons, les invertébrés et les algues respectivement ». Or depuis de nombreuses années, l’Union européenne et la France ont multiplié les efforts pour réduire les impacts de l’activité agricole sur l’environnement, la biodiversité. Ainsi les substances actives les plus dangereuses pour la santé humaine c'est-à-dire cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR-1), elles ont diminué de 95 % depuis 2015 en France et les substances autorisées en agriculture biologique et en biocontrôle ont augmenté de 55 % par rapport à la moyenne 2015-2017. Malgré ces efforts, les analyses des rivières faisaient toujours état de fort taux de glyphosate et de résidus de pesticides.
Réduire la pollution
Ces mauvais résultats auraient une explication selon le professeur Carolin Huhn et ses collègues de l’Eberhard Karls Universität de Tübingen (Allemagne). Après avoir mené une grande méta-analyse sur les données des autorités européennes et américaines de protection de l'eau (**), ils sont parvenus à la conclusion que certains aminopolyphosphonates utilisés, par exemple dans les détergents textiles, sont convertis en glyphosate dans les boues d'épuration des stations d'épuration des eaux usées. « Les pics de concentration attendus de sources agricoles n'ont été observés qu'à un très petit nombre de points de mesure, exclusivement agricoles, en Europe. En outre, le profil d'entrée d'autres herbicides est presque opposé à celui du glyphosate », expliquent les scientifiques. Des éléments recueillis auprès des autorités responsables de la protection de l'eau en Allemagne, en France, en Italie, en Suède, au Luxembourg, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et aux États-Unis, il ressort aussi que les eaux usées municipales jouent un rôle et que la source de glyphosate remonte à proximité des ménages, c’est-à-dire dans les lessives. « Les résultats pourraient expliquer pourquoi il n'a pas été et ne sera pas possible de réduire la pollution par le glyphosate dans les rivières en Europe grâce à des stratégies de réduction des herbicides », a résumé Carolin Huhn. Ces premières données doivent cependant être entérinées par d’autres études indépendantes.
* https://phys.org/news/2024-07-glyphosate-european-rivers-farming.html
** L'étude (en anglais) a été publiée dans la revue Water Research.