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Restauration collective : le casse-tête des PAT

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Afin de mieux alimenter la restauration collective en produits frais et locaux, les opérateurs peuvent compter sur un réseau efficace d’agriculteurs, de coopératives et d’entreprises locales qui maillent le territoire. Elle peut aussi s’appuyer sur le réseau de proximité des projets alimentaires territoriaux (PAT) qui commencent, petit à petit, à monter en puissance. Mais les règles des marchés publics pèsent sur leur développement. 

Créés en 2014, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, les projets alimentaires territoriaux (PAT) qui fêtent cette année leur dixième année d’existence, ont pour mission :

  • de créer une dynamique entre agriculture locale et alimentation,
  • d’encourager des pratiques agroécologiques tout en consolidant des filières agricoles
  • et de rapprocher différents acteurs économiques ou associatifs. 

« Il est aussi question de contribuer au Plan national nutrition santé (PNNS) », souligne Paul Mazerand chargé de mission économie agricole et alimentaire à Terres en villes. L’objectif initial de 500 PAT effectifs fin 2027 a été largement revu à la baisse et remplacé par un PAT par département.

En 2021, la Loi Climat et Résilience a introduit la création d’un réseau national des PAT. Trois grandes missions ont été affectées à ce futur réseau :

  • suivre le déploiement des PAT au sein du territoire national ;
  • diffuser les bonnes pratiques et les retours d’expériences au plus proche du terrain ;
  • et enfin construire des outils méthodologiques opérationnels.

Ce coup de pouce législatif s’est doublé d’un coup de fouet financier en 2002 avec l’apport de 80 millions d’euros supplémentaire, ce qui a fait passer leur nombre de 197 en 2020 à 392 en 2022, dont 332 labellisés. A l’heure où ces lignes sont écrites, la France compte 437 PAT dont 345 de niveau 1 et 86 de niveau 2 (lire encadré ci-dessous). Il existe à ce jour au moins un PAT par département.                                    

Niveau 1, niveau 2 

Le niveau 1 permet d’identifier et d’accompagner les PAT émergents dans leur construction. L’agrément est attribué pour une période de trois ans non renouvelable, avant un passage au niveau supérieur. 

Le niveau 2 valorise et donne de la visibilité aux projets opérationnels qui mettent en œuvre un plan d’actions effectives sur leur territoire, piloté par une instance de gouvernance établie. Il est attribué pour une période de cinq ans (renouvelable). 

 

Transition écologique 

« Assurer la cohérence et la transversalité de tels projets », selon Florent-Yann Lardic, directeur de Terres en villes, passe par un dialogue avec les représentants des collectivités locales qui gèrent notamment les cantines scolaires, soit en régie directe, soit par délégation de service public (DSP). Ainsi de nombreuses communes, de tailles différentes ont fait le choix de préserver les terres agricoles dans leur plan local d’urbanisme afin de permettre aux agriculteurs de produire viandes et légumes pour les cantines locales. C’est notamment le cas de Toulouse qui a acquis 250 ha de réserve foncière agricole appelée Le Domaine (lire encadré ci-dessous). C’est aussi celui de Grenoble ou encore Nantes « où il existe un réel appui à l’installation », précise-t-il. L’ensemble de 400 collectivités engagées dans cette démarche ambitionne notamment de contribuer à la transition écologique, sécuriser l’approvisionnement local et tendre vers une logistique bas carbone ou encore d’intensifier la lutte contre le gaspillage alimentaire. « Ce n’est pas toujours facile de faire comprendre aux administrés qu’il faut préserver ses terres », concède Paul Mazerand.

Un Domaine 100 % bio 

Le Domaine agricole acquis par la mairie de Toulouse en 1975 s’étend sur 250 hectares de terres cultivées et une centaine d’hectares de réserves foncières ou d’espaces de compensation écologique Parmi ces terres, 12 ha sont des vignes et le reste est, chaque année, semé en blé tendre, orge brassicole, pois chiches, lentilles, tournesol, etc. Ces cultures sont redirigées vers des débouchés locaux, nomment en travaillant avec la cuisine centrale de Toulouse : « Le blé tendre est transformé en farine puis distribué sous forme de pain bio et de coquillettes dans les cantines toulousaines. Les légumineuses sont triées et ensachées par une petite entreprise locale. L’orge est brassée localement par la Garonnette. La luzerne est utilisée dans un élevage du territoire », précise le site de Toulouse Métropole. 

 

Règles strictes 

Les maires se sentent parfois pris entre le marteau et l’enclume, avec d’un côté les lois Egalim qui imposent, depuis le 1er janvier 2022 que la part des achats alimentaires « durables » doit être au moins égale à 50 % (en valeur) dont au moins 20 % de produits bio. « Il faut préserver la capacité des agriculteurs locaux à candidater » auprès de la commande publique. Or cette dernière est aussi contrainte par des règles juridiques strictes, notamment sur le prix du repas à la cantine. Fixé pour la durée du contrat, ce prix ne tient pas compte du coût de production, ce qui pénalise les agriculteurs quand le prix est victime de l’inflation générale comme ce fut le cas pendant le Covid. Autrement dit, il faudrait changer la loi pour introduire des clauses de revoyure de prix. Mais, ce n’est pas « à l’ordre du jour », précise Paul Mazerand. « Embarquer la population reste un autre enjeu de taille », remarque Florent-Yann Lardic. C’est plus ou moins ce que dit une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) en octobre 2023. Pour elle, l’application de la loi Egalim en restauration scolaire (plus d’un milliard de repas servis chaque année dans 35 000 établissements) génère un surcoût modéré. Mais cette étude ne tient pas compte de l’inflation… Le rêve de construire ce que d’aucuns appellent une « démocratie alimentaire », passera aussi par de nouveaux coups de pouce de l’Etat. « Le gouvernement doit nous donner les moyens de généraliser les PAT, à travers le Secrétariat général à la planification écologique (…) Réussir cette souveraineté alimentaire par le bas est un défi », concède Florent-Yann Lardic. 

 

Aller plus loin

> Consulter la carte des PAT sur le site web du réseau national

> Télécharger le document de l'ADEME "Evaluer l'impact des Projets Alimentaire Territoriaux (PAT) sur les territoires" (février 2024)

> Retrouver plus d'informations sur le site du ministère de l'Agriculture