De l’Oural à l’océan Atlantique, la production de blé est inférieure à l’an passé. Outre-Atlantique, les Etats–Unis et le Canada devraient être plus performants que la Russie à l’export. Mais en seconde partie de campagne, l’Australie aura très certainement les moyens de s’imposer sur les marchés orientaux et asiatiques et de regagner les marchés perdus les années passées.
La Commission européenne n’a pas actualisé ses prévisions. Sur son site, elle estime toujours la production française de blé à 29,6 millions de tonnes (Mt). Or selon Gautier Le Molgat, directeur d’Argus Media France, « la récolte française de blé tendre est dorénavant estimée à 25,17 Mt, en recul de -27,2 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années de 34,58 Mt. C’est 9,9 Mt de moins qu’en 2023 ! ». Avec un rendement moyen inférieur à 60 quintaux par hectare, la récolte est pire qu’en 2016 car la superficie alors emblavée était supérieure de 900 000 hectares à celle de l’automne passé. « Il faut remonter à 1983 et ses 24,5 Mt pour retrouver une récolte aussi faible en France », ajoute Gautier Le Molgat. Ces nouvelles décevantes n’ont pas eu d’incidences particulières sur l’évolution des cours du blé sur le marché de Rouen. La tonne de grains vaut autour de 220 € depuis un mois. La contreperformance française réduit à 6,5 Mt la capacité d’exportations de notre pays vers les pays tiers. Elle diminue d’autant les quantités de grains disponibles à l’export à l’échelle mondiale. Mais cette même contreperformance renforce la place qu’aura l’Australie sur les marchés des céréales au cours de la seconde partie de la nouvelle campagne commerciale 2024-2025. Selon une note d’Argus, expert des marchés de céréales, les retours simultanés de la Niña au sud du Pacifique et du dipôle de l’océan indien*, augurent des conditions de cultures très favorables en Australie. L’Ile continent serait même en mesure de produire autant de céréales à paille qu’en 2022. Elle avait alors récolté plus de 40 Mt de blé et en avait exporté près de 32 Mt, soit 10 Mt de plus que la campagne passée.
Incertitude politique
L’Australie aurait ainsi les moyens d’être de nouveau très présente sur des marchés orientaux et asiatiques qui lui avaient échappé les deux campagnes passées. En effet, la Russie ne pourra exporter que 44-46 Mt de blé, soit 8-10 Mt de moins que l’an passé selon le conseil international des céréales. Or ces deux dernières campagnes, la Russie avait eu les moyens de s’imposer sur de nombreux marchés en écoulant le blé que l’Australie et les Etats-Unis ne disposaient pas. Mais cette année, toutes les conditions sont réunies pour que l’Australie tire profit de la campagne de commercialisation des céréales d’ores et déjà compliquée, voire périlleuse, pour ses concurrents. La principale bénéficiaire de ce rééquilibrage sera la Chine puisqu’elle ne peut pas compter sur le blé européen, et français en particulier, pour importer une partie des 11 Mt de grains dont elle aura besoin. Or depuis 2022, elle privilégiait cette origine aux dépens de l’Ukraine lorsqu’elle est entrée en conflit avec la Russie. « Aux États-Unis, l’incertitude politique pourrait entraver les exportations vers la Chine, en particulier si les tensions commerciales s’intensifient et conduisent à des tarifs agricoles, comme ce fut le cas en 2018 », soutient Argus dans une note de conjoncture parue le 2 août dernier. Pourtant, les Etats-Unis et le Canada pourraient faire aussi bien que la Russie et exporter jusqu’à 45Mt de grains au cours des douze prochains mois. Mais en Amérique du Nord, la récolte de blé n’est pas finie. Et le climat caniculaire réduit le potentiel de rendement.
(*) aussi connu sous le nom d'El Niño indien
L’orge concurrencée par le bléLe marché de l’orge pâtit de la faible qualité du blé récolté en Union européenne qui lui fait concurrence. Bien que la récolte soit décevante, le prix de la tonne de grains oscille autour de 185 € à Rouen. « Une proportion accrue de lots fourragers sera mis sur le marché dans les prochains mois », souligne le site agri-mutuel.com. Toutefois, l’orge est particulièrement convoitée par l’industrie de l’alimentation animale. |