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Le blé pilote les marchés

© iStock-bfk92
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La contraction du marché du blé inquiète sans affoler car la production mondiale de céréales secondaires est prometteuse.

Le trafic maritime sur le canal de Suez est toujours réduit des deux tiers depuis que le détroit de Bab el Maneb est sous l’emprise des Houthistes et la guerre en Ukraine redouble d’intensité. Les marchés des céréales n’en redoutent plus les conséquences comme par le passé. Cependant, les navires se voient contraints de se dérouter via le Cap de Bonne-espérance pour livrer leurs marchandises, allongeant d’une dizaine de jours leurs délais de livraison. Par ailleurs, l’Ukraine parvient à expédier plus de 5 Mt de denrées par mois par navire depuis ses ports. En conséquence, le pays achève sa campagne commerciale en ayant exporté 48 Mt de céréales et d’oléoprotéagineux par voie maritime, ferroviaire et par la route, dont 18 Mt de blé et 27 Mt de maïs, se réjouit UkraAgroConsult (UAC). Ce qui inquiète les courtiers est la filière blé. 

Etat d’urgence 

Les prévisions du Conseil international des céréales (CIC) – au mois de mai, il annonçait une production mondiale de blé tendre de 760 Mt - sont régulièrement démenties par les communiqués parvenant de Russie, d’Ukraine et d’Union européenne. Pour la troisième campagne consécutive, la guerre en Ukraine réduit de nouveau ses capacités de production. Une partie du territoire est occupée par l’armée russe, minée ou à portée de missiles. Les fermes peinent à faire face à leurs charges et la main d’œuvre manque. La mobilisation militaire n’épargne ni les salariés agricoles, ni les agriculteurs. Aussi, l’Ukraine n’exporterait que 14,5 Mt de blé et 22 Mt de maïs au cours de la prochaine campagne 2024-2025, rapporte UAC. En Russie, la production russe de blé est dorénavant estimée à 81 Mt par Sovecon.ru alors qu’à la sortie de l’hiver, le potentiel était de 94 Mt. Aussi, le disponible exportable ne serait plus que de 40 Mt, en repli de 10 Mt sur un an« Le gouvernement russe a déclaré l’état d’urgence dans dix régions en raison des dégâts causés par la période de gel survenue en mai dernier », rapporte FranceAgriMer. Dans le même temps, l’Union européenne s’apprête à réaliser une de ses plus faibles récoltes de blé (120 Mt) depuis 2020. Mais le Canada et les Etats-Unis, où les conditions de cultures sont bonnes, produiraient près de 85 Mt de blé pour en exporter près de 37 Mt. 

Raviver la concurrence 

Ces prévisions affectent d’ores et déjà la campagne commerciale 2024-2025 puisque les principaux pays exportateurs de blé de la planète ne seraient pas en capacité de vendre plus 180 Mt à des pays tiers, alors qu’en 2021-2023 ils en avaient écoulé 192 Mt. Or la consommation mondiale de blé a entre temps augmenté de près de 6 Mt. La Russie ne brade plus sa céréale. Le prix auquel elle l’écoule dorénavant (234 € le 10 juin dernier, +13 % en un mois) montre que la donne a bien changé en quelques semaines. L’écart avec le blé français vendu à Rouen n’est plus que de quelques euros. Mais au Moyen-Orient et en Chine, les moissons sont prometteuses. Seule l’Afrique du Nord aura davantage besoin de blé que la campagne passée (31 Mt dont 12 Mt pour l’Egypte et 7 Mt pour le Maroc). Par ailleurs, les prix du blé ne s’emballent pas car la production mondiale de céréales secondaires est prometteuse (1 517 Mt ; + 11 Mt sur un an) en dépit du recul de la récolte étasunienne de maïs (374 Mt, -19 Mt) et des ravages causés par la cicadelle en Argentine où les pertes sont déjà évaluées en millions de tonnes. Enfin, la campagne commerciale du blé dur s’annonce sous de bons auspices. 34,9 Mt de grains (+ 11,5 % sur un an) seront récoltées dans le monde et notamment au Canada (5,7 Mt) et en Turquie (4,5 Mt). Ils exporteront à eux deux 5,5 Mt de grains, soit plus de la moitié du disponible exportable à l’échelle mondiale. Toutefois, la fermeture – temporaire - de la Turquie aux importations de blé de Russie et d’Ukraine (jusqu’à 9 Mt par an), pour protéger son marché intérieur, va probablement raviver la concurrence avec l’Union européenne dans le bassin méditerranéen pour approvisionner l’Afrique du Nord.  

Aller plus loin :

> Lire le communiqué de presse de l'IGC sur les chiffres annoncés lors du dernier Comité du 10 juin 2024