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Moissons : une année « hors norme »

(De G. à D) Cyril Oudin, Dominique Sautré, Stéphane Demay, Jérôme Mathieu, Stéphane Oudin, Manon Deliot, Sylvie D’Alguerre, Gauthier Maillard, Doriane Selb et Laurent Marcos. © Photo Marion Falibois
(De G. à D) Cyril Oudin, Dominique Sautré, Stéphane Demay, Jérôme Mathieu, Stéphane Oudin, Manon Deliot, Sylvie D’Alguerre, Gauthier Maillard, Doriane Selb et Laurent Marcos. © Photo Marion Falibois

Le lundi 15 juillet, le GAEC Clair Argent, accueillait à Jubainville le 1er bilan des récoltes et de la moisson délivré par la Chambre d’agriculture des Vosges, la FDSEA et JA 88.

L’exploitation de polyculture élevage dirigée par les frères Cyril et Stéphane Oudin compte 245 ha de SAU dont 150 ha de cultures de vente et environ 700 000 L de contrat laitier livrés à l’UPLV. Un robot de traite double box a été installé dans le bâtiment d’élevage il y a peu.

Trop d’eau

Les moissons de cette année sont surtout marquées par de très fortes pluies. Durant le 1er trimestre 2024, près de 300mm sont tombés sur les Vosges et il n’y a eu que 36 jours sans pluie entre le 1er avril et le 20 juin. Ces excès d’eau, plus particulièrement marqué sur les mois d’octobre et de novembre 2023 et avril et mai 2024, ont eu de lourdes conséquences pour cette saison. L’ensemble du cycle des cultures, du semis à la récolte est impacté tout comme les prairies, de la mise en pâturage jusqu’à la fenaison. Du côté des températures, l’automne et l’hiver ont été plus doux que les normales de saison alors que le printemps et le début d’été étaient tous deux en dessous. Les températures basses de juin et juillet ont eu des conséquences sur le mûrissement des céréales, des fruits et des légumes tout en favorisant les maladies fongiques.

Pour résumer : «avec l’année humide que nous avons, la qualité est impactée et derrière c’est le revenu des agriculteurs qui en pâti» constatait Jérôme Mathieu, président de la Chambre d’Agriculture des Vosges.

La moisson 2024 risque d’être décevante, les conditions climatiques extrêmes ayant pénalisé l’ensemble des cultures. © Photo Marion Falibois
La moisson 2024 risque d’être décevante, les conditions climatiques extrêmes ayant pénalisé l’ensemble des cultures. © Photo Marion Falibois

Groupe DEPHY

Le GAEC Clair Argent a entamé une transition vers l’agriculture de conservation des sols (ACS) en 2020. Il est aussi impliqué dans le groupe DEPHY, conduit depuis 2016 par la Chambre d’Agriculture des Vosges. 13 exploitations du département sont impliquées dans la démarche afin de réduire leur utilisation de produits phytosanitaires et d’améliorer leur autonomie fourragère et la fertilité de leur sol.

Malgré les aléas climatiques qui favorise l’impact des bio-agresseurs sur les cultures, les résultats du groupe sont encourageants : les IFT globaux ont baissé de plus de 25%. «L’objectif est de réduire en conservant l’efficience et le rendement» expliquait Stéphane Oudin. Le groupe permet aussi aux agriculteurs qui en sont membres d’échanger autour de leurs résultats et de leurs techniques.

Jérôme Mathieu a attiré l’attention de l’audience sur les précisions à apporter lorsque les produits phytosanitaires sont évoqués. «Nous entendons souvent « les paysans ont consommé plus de produits phytosanitaires». Mais c’est parce qu’il est question des litres consommés». Or, les pratiques évoluent et certains produits moins nocifs que les produits Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR) demandent d’utiliser des volumes plus importants. «C’est pour cela que nous nous battons au niveau national pour que l’on regarde quelle est la matière active du produit utilisé et qu’il y ait un indice CMR». 

Cultures

2024 n’échappe pas à la tendance de ces dernières années : elle est marquée par des excès. Les années très humides succèdent aux années sèches et les agriculteurs n’ont d’autre choix que de chercher des moyens pour s’adapter. A ce sujet, Stéphane Demay qui représentait la FDSEA ajoutait : «Nous ne changerons pas le climat mais, ce que nous souhaiterions, c’est envisager la possibilité de stocker de l’eau pour faire face aux années sèches».

Gauthier Maillard, soulignait une difficulté rencontrée cette année. «Il y a énormément d’insectes. Notamment en ce moment avec les bennes de colza qui sont livrées. D’où l’intérêt d’allonger les rotations et de travailler sur le long terme pour essayer de baisser la pression des insectes». Le développement des insectes fait aussi peser un risque sur les bovins : «Nous risquons d’avoir des remontées de FCO et de MHE sur l’automne. Nous devrons faire attention à nos troupeaux» avertissait-il.

Fourrages

Cette année, la récolte des prairies s’est faite de manière fragmentée à cause de la pluie. Au 14 juillet de nombreux éleveurs ont encore du foin à faire là où ils étaient terminés pour le 10 juin en 2023. Les premières récoltes ont débuté aux alentours du 10 avril sur les prairies temporaires et les ensilages ont duré jusqu’à début juin. L’état hydrique des sols complique les récoltes.

Malgré une pousse freinée par la période de froid en avril, les rendements sont assez importants car les conditions sont plutôt favorables. Cependant, les valeurs alimentaires sont en dessous de la moyenne à cause du manque de lumière.

Maïs

Le printemps humide a eu pour conséquence de décaler les dates de semis. La plupart ont été semé entre début mai et mi-juin. Les excès d’eau et le manque de chaleur qui ont suivi donnent lieu à des plantes mal enracinées, des levées hétérogènes et des maïs de petite taille malgré un stade avancé. Les limaces ont aussi effectué une forte pression et de nombreuses parcelles ont dû être resemées.

Fruits

La récolte devrait être bonne pour les quetsches. Pour les mirabelles aussi, leur récolte débutera aux alentours du 10 août en fonction de la météo. Elles présentent un bon potentiel quantité/calibre et la pression des maladies a été maitrisée. 

En ce qui concerne les pommes et les poires, la campagne devrait être très bonne malgré quelques difficultés rencontrées par l’agriculture biologique qui a eu plus de mal à maintenir l’état sanitaire des vergers face à la pression des champignons et des insectes.

Les cerises se caractérise par un faible taux en sucre, avec l’humidité et le manque d’ensoleillement les fruits ont flétris, ramollis ou éclatés ce qui rend difficile leur valorisation en fruits de bouche.

Petits fruits

Les producteurs vosgiens ont été lourdement impactés par les conditions météorologiques. La chute des températures, la pluie et les gelées nocturnes en zone montagne fin avril ont causé d’importants dommages pendant la nouaison et la floraison des variétés les plus précoces. En mai, les pluies continues ont aggravé les pertes. En juin, des chutes de fruits ont été constatées en raison du stress causé par le gel, le froid prolongé et une mauvaise pollinisation.

Les pertes sur les myrtilles sont importantes en particulier en montagne. Les groseilles et les camerises ont aussi particulièrement souffert avec des pertes comprises entre 50 et 60%. De leur côté, les cassis ont un peu mieux résisté mais ont encore besoin de soleil pour développer leur teneur en sucre. Pour la rhubarbe, la situation est tragique : les pertes atteignent les 90% à cause des conditions hivernales ce qui engendre une hausse des prix.

Maraîchage

Les maraîchers du département ont été mis en difficulté par des sols gorgés d’eau et impossibles à travailler. Les semis et les cultures ont donc été retardés. Les températures froides ont freiné le développement des légumes. Les limaces ont été particulièrement délétères et ont engendré pour les exploitants du travail et des coûts supplémentaires puisque les plantations ont dû être semées et plantées plusieurs fois de suite. L’humidité et la fraîcheur ont aussi favorisé le développement des adventices et des maladies du feuillage, pénalisant ainsi les rendements.

Miels

L’activité apicole a aussi été perturbée par les précipitations et le manque de soleil. Les récoltes de miels de printemps sont faibles voire nulles selon les secteurs : de 0 à 5 kg au lieu des 10 à 20 kg habituels. Les miels de colza et d’acacia sont aussi en baisse par rapport à l’année précédente. Les colonies ont été lourdement impactées par une mortalité de près de 25% due à la faim et au parasitisme. Certains apiculteurs ont été contraint de nourrir leurs colonies pour les maintenir ce qui a engendré des coûts supplémentaires. Pour le moment la production de miels d’été reste incertaine.