Le livre de 2022 s’ouvre avec de nouvelles pages du travail syndical à écrire. Interview de Philippe Clément, président de la FDSEA des Vosges, qui fait le bilan de l’année 2021 et synthétise les enjeux pour 2022.
L’année 2021 s’est achevée, quelle synthèse en tirez-vous ?
- Philippe Clément : «Evoquons tout d’abord la situation climatique qui a été très prégnante ces quatre dernières années. 2021 aura été correcte sur ce point, même s’il y a eu des difficultés particulières par endroits ; fort gel au printemps, épisodes de grêle et d’intempérie au Val-d’Ajol, des secteurs impactés par une pluviométrie extrême. Dans l’ensemble, si l’on prend la moyenne du département, nous nous en tirons plutôt bien avec des stocks rechargés au niveau des exploitations. La moisson était, elle aussi, correcte même si l’on note une qualité dégradée compensée par les prix. De quoi remettre du baume au cœur des agriculteurs avec des bâtiments pleins. Pour autant, certaines productions ont été fortement impactées. C’est le cas des productions de fruits et de petits fruits touchées par le gel, tandis que les apiculteurs ont fait face à une grosse désillusion pour leur production de miel.
Dans un contexte plus général, nous avons été, cette année, dans la finalisation du plan stratégique national pour la Politique Agricole Commune (PAC). Nous avons vu notre département se mobiliser en avril pour une action syndicale de grande ampleur à Strasbourg de façon à attirer l’attention du ministère et de nos instances européennes sur la particularité de nos territoires mixtes. Trouver une cote, peut être mal taillée, mais qui puisse convenir à tous et qui s’inscrive aussi dans un schéma de la FNSEA qui prend en compte tous les territoires et toutes les productions. Quand on regarde ce qui nous était proposé il y a deux ans, à savoir une baisse des subventions européennes du budget dédié à la PAC de l’ordre de 20%, on ne va pas se réjouir que le Covid soit passé par là mais un plan de relance a été adossé à la PAC pour permettre d’arriver à une stabilisation du budget européen dédié. On peut s’en réjouir et, dans le même temps, on peut s’en inquiéter car, au niveau mondial, l’Europe sera à l’avenir le seul espace économique à voir ses soutiens à l’agriculture se stabiliser, voire baisser. Cela nous inquiète car demain nous aurons de nombreux défis à lever.
Justement, quels seront ces défis ?
- P.C. : Le premier défi concerne le changement climatique. Comment allons-nous pouvoir adapter nos exploitations avec des soutiens orientés à la baisse ? Nous aurons besoin d’un soutien sur ce qui concerne la protection des cultures via un système assurantiel, via peut être des investissements. Le stockage de l’eau, par exemple, serait une partie de la solution. Moins dans notre département, quoique... Cela peut passer par des investissements dans tout ce qui est recherche et innovation, avec des cultures plus pérennes et moins impactées par le changement climatique. Enfin, cela nécessite que les budgets européens soutiennent le producteur par son acte de production mais également bien d’autres domaines.
L’enjeu majeur de l’agriculture, c’est la souveraineté alimentaire de nos territoires. Avec l’excellence qui a toujours fait l’agriculture française, reconnue à l’international. Il y a la souveraineté alimentaire sur un périmètre donné, l’alimentation locale, mais aussi la capacité de notre agriculture de produire pour des territoires qui n’en ont pas la capacité. On parle souvent, malheureusement, de ces pays d’Afrique du Nord, voire d’Afrique équatoriale, qui n’ont pas la capacité d’avoir une agriculture productrice pour leur population. Au niveau géopolitique, cela donne des secteurs complètement déséquilibrés. Si l’on se rappelle du Printemps arabe, il est né en 2010 quand les matières premières ont flambé et qu’un certain nombre de pays du Maghreb n’ont pas eu la capacité d’acheter de la nourriture pour leur peuple. Brejnev disait d’ailleurs : «je crains plus le bruit des casseroles que le bruit des chars». L’exportation n’est pas toujours, comme on voudrait nous le faire croire, une possibilité de dégorger des volumes qui ne trouvent pas marché chez nous et qui ne sont pas rémunérateurs. L’export est aussi source de valorisation et de revenu sur nos exploitations.
L’autre défi majeur que nous devons continuer à relever, c’est bien évidemment la rémunération des exploitants qui passe par plusieurs volets. En premier lieu la rémunération de la production directement liée aux Etats Généraux de l’Alimentation en prenant bien en compte le coût de production. Il n’est plus possible que des paysans vendent des produits en dessous du coût de production. Le second volet est une problématique : comment va-t-on chercher une rémunération supplémentaire pour les services rendus par l’agriculture. Il faut y répondre par de l’accompagnement, à travers la PAC, par le biais de subventions qui seront mises en œuvre pour la rémunération de ces services. On ne peut pas imposer de plus en plus de contraintes aux agriculteurs sans compensation en face. Attention d’ailleurs à ne pas franchir la ligne rouge de la surtransposition de règles européennes par la France. Ce qui mène à un défi supplémentaire : comment imposer à l’Europe et à la France des clauses miroirs ? C’est-à-dire de ne plus importer sur nos territoires des produits qui ne respectent pas nos standards de production. En découle également le sujet de l’étiquetage des aliments, de la provenance, de la composition et le fameux nutriscore.